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CHRONIQUE. Juvisy, 23 juin, le tribunal de proximité juge des dossiers de loyers impayés. D’un côté, un bailleur social, de l’autre, un locataire impécunieux. Le juge tranche chaque dossier en quelques minutes. Les justiciables défilent.
La juge tranche, après une sorte de conciliabule avec les avocats. Dans la salle chauffée à blanc par les températures caniculaires, des dizaines de justiciables et de robes noires transpirent et papotent, en attendant leur dossier. « Eh bien, ce sera une expulsion ! » Le jugement sera rendu le 21 octobre.
La voix de la juge passe au-dessus du brouhaha pour appeler Madame P.. C’est Monsieur P. qui se lève. « Elle n’a pas pu venir. » Mais le commandement à payer ne concerne qu’elle. « On renvoie au 6 octobre en vue de l’activation de la clause résolutoire. » Les époux P. seront expulsés.
Une femme en boubou bleu se lève, approche, s’en retourne chercher sa carte d’identité. Revient. Elle a déjà remboursé la dette, annonce la juge, et sera seulement condamnée aux dépens, par un jugement qui sera rendu le 21 octobre. L’avocate du bailleur confirme qu’il abandonne toutes les poursuites. La juge a déjà appelé le dossier suivant et demande : « Maître, quel est le montant de la dette ?
– Alors, madame S., 8 555,90 euros de dette au 11 juin. Elle a payé 555 euros le 12 juin.
– Madame, qu’est-ce que vous pouvez proposer de payer tous les mois ?
– Je peux rembourser 50 euros.»
Le diagnostic social et financier établit qu’elle a la charge de trois enfants, dont un étudiant et un autre qui va commencer une année en alternance. « Est-ce que de l’APL est versée ? La CAF ?
– J’ai déposé un dossier.
– 50 euros, Maître, qu’en pensez-vous ?
– Je vous laisse apprécier, mais pour nous, ça ne tient pas du tout.
– A quelle date du mois pouvez-vous payer ? Le 10 ? »
La juge annonce qu’elle va rendre un jugement le 21 octobre, qui condamnera Mme S. à payer la dette, actualisée. « Ce jugement vous autorisera à payer cette dette par tranche de 50 euros tous les mois. Si vous respectez cet échéancier, votre bail reprendra comme s’il n’y avait pas eu de problème. »
Elle doit la prévenir : « Il y a une difficulté supplémentaire, c’est que la loi permet un délai de 3 ans. En payant 50 euros par mois, au bout de trois ans vous aurez payé 1800 euros. Il faut faire des démarches pour avoir des aides, et que vous trouviez moyen de payer plus que 50 euros, sinon votre bail sera résilié » au terme de ces trois ans. Madame S. et ses enfants seraient alors expulsés.
Monsieur et Madame E. doivent 12 703,12 euros au bailleur social, et n’ont pas repris le paiement des loyers avant l’audience. La juge est sentencieuse : « Dans votre cas, la loi est claire et la juge que je suis n’a qu’une seule solution, c’est d’ordonner l’expulsion de votre logement. » L’homme essaie de négocier. « J’entends, mais la loi est ainsi faite que si vous n’avez pas repris le paiement du loyer avant l’audience, je suis obligée d’ordonner votre expulsion. Maintenant, si vous arrivez à payer le bailleur, peut-être qu’il acceptera de ne pas exécuter mon jugement », poursuit-elle.
Jocelin N. écoute l’avocate du bailleur résumer sa situation. Elle n’est pas bonne, puisqu’il doit 12 300 euros. Son téléphone sonne, il appuie partout dessus pour l’éteindre sous l’œil agacée de la juge. L’avocate reprend : le paiement des loyers n’a pas repris : expulsion.
Sidonie se lève. Elle doit 10 797 euros, somme arrêtée au 16 juin. Elle est d’accord. Elle a repris le paiement, mais pourquoi payer 887 euros au lieu des 907 euros du loyer ? Il ne manque que 20 euros. « On va considérer que le loyer est repris. » Elle peut payer 100 euros de plus tous les mois. « Mais là, votre dette est très importante. Quels sont vos revenus ? De 1500 à 2000 euros ? » Elle note. Jugement le 21 octobre. « Si vous payez bien, on trouvera un arrangement. Mais il y a une difficulté : en payant 100 euros par mois, vous serez à 3 600 euros en trois ans. Ça veut dire qu’il faut trouver un autre moyen de rembourser les dettes », prévient la juge. Sinon : expulsion.
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