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Quelles avancées, quelles difficultés, quels retards dans la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul en France ? Dans un rapport très attendu, publié ce 16 septembre, le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio) appelle la France à renforcer sa protection des femmes et des mineures.
Le Grevio, organe du Conseil de l’Europe, vient de publier ce mardi 16 septembre un état des lieux complet, et très attendu, de l’état de la lutte contre les violences faites aux femmes dans l’Hexagone.
Cette évaluation analyse plus généralement la manière dont la France met en œuvre la Convention d’Istanbul, instrument juridique international le plus complet qui existe pour prévenir et combattre les violences sexistes, sexuelles et domestiques.
Il s’agit tout premier rapport sur la France publié par le Conseil de l’Europe pour la mise en œuvre de ce traité. Dans son évaluation, le Groupe d’experts y souligne des insuffisances législatives et politiques, et appelle à renforcer la réponse policière et judiciaire. Le détail point par point.
« En France, le système a des a difficultés à s’assurer que les auteurs de toutes les formes de violence ont à répondre de leurs actes »
Grevio
Dans leur rapport, les 15 experts indépendants pointent en premier lieu l’insuffisance des dispositifs d’hébergement spécialisés destinés aux femmes victimes de violences. Le Grevio estime que cette lacune est le reflet de politiques « qui peinent à reconnaître la spécificité des violences faites aux femmes ».
Pour les experts, il apparaît donc urgent de mettre en place « un nombre suffisant » de centres d’aide d’urgence pour les femmes victimes, d’y renforcer l’accès à la médecine légale et de développer les Lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (LEAO) et les accueils de jour.
Dans le viseur du Grevio aussi, les droits de visite et de garde de l’enfant. En dépit de l’existence de plusieurs dispositifs législatifs permettant de faire primer l’intérêt et la sécurité de l’enfant dans les décisions de justice, le Grevio remarque la rareté de l’application de ces dispositions, « de sorte que les violences auxquelles sont exposés les enfants ainsi que le risque de violences après la séparation sont insuffisamment prises en compte ».
L’insuffisance des dispositifs d’accompagnement et de soutien des enfants témoins de violence constitue une autre source de préoccupation, peut-on également lire dans le rapport.
Concernant le cadre juridique, le Grevio se prononce sur la définition pénale des agressions sexuelles et du viol, « qui n’est pas explicitement fondée sur l’atteinte au consentement libre et non équivoque de la victime, ainsi que requis par l’article 36 de la Convention d’Istanbul », mais exige le recours à la violence, contrainte, menace ou surprise. L’évaluation retient que cette définition constitue un « obstacle » à la caractérisation d’un certain nombre de situations comme étant des viols.
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Plus généralement, le Grevio constate les insuffisances de la réponse pénale et une impunité préoccupante : « la difficulté du système à s’assurer que les auteurs de toutes les formes de violence ont à répondre de leurs actes », alors que plus de 80 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite. Pour les experts, il faut renforcer la réponse policière et judiciaire en améliorant les enquêtes et le recueil des preuves.
Le rapport épingle encore la correctionnalisation du viol qui « minimise sa gravité et fait porter les conséquences du dysfonctionnement du système judiciaire sur les victimes ».
Le Grevio illustre les nombreuses faiblesses du dispositif d’ordonnance de protection. « En France, l’ordonnance de protection ne s’applique pas à toutes les formes de violence – contrairement aux exigences de l’article 53 de la Convention –, les conditions de son application rendent difficile l’accès des victimes à la protection et leur appréciation varie considérablement selon les tribunaux », note-t-il, invitant la France, sur cet état de fait, à réviser son système des ordonnances de protection pour permettre « un usage plus diffus et systématique ».
Ce premier rapport thématique sur l’application par la France de la Convention d’Istanbul souligne toutefois des progrès, depuis la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, et le premier Grenelle contre les violences conjugales en 2019.
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Le GREVIO retient notamment de la mise en place des bracelets antirapprochement, de l’aide d’urgence pour les femmes quittant un conjoint violent, ainsi que du « pack nouveau départ » facilitant l’accès à un soutien rapide. « Un protocole féminicide pour une meilleure prise en charge des enfants présents lors d’un meurtre fondé sur le genre a également été adopté et la ligne d’écoute 3619 a été renforcée », salue le rapport.
Le rapport se félicite aussi de la création de pôles judiciaires spécialisés sur les violences intrafamiliales et de postes de magistrats référents, de la hausse du nombre d’intervenants sociaux et de psychologues dans les commissariats et brigades de gendarmerie.
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