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Le rendez-vous annuel des notaires de France, qui s’est tenu cette année à Montpellier, a notamment validé la création d’une déclaration de beau-parentalité.
Quoi de plus logique pour le congrès des notaires que d’être consacré à la famille ? Et pourtant : « En 1999 avait lieu le dernier congrès des notaires de France à se donner pour sujet la famille », rappelle Étienne Casimir, docteur en droit, professeur à l’université de Poitiers et rapporteur de synthèse du 121e congrès des notaires, qui s’est déroulé du 24 au 26 septembre à Montpellier.
Il y a bien eu pourtant le congrès de 2005 sur les familles sans frontières en Europe, ou encore celui de 2014 sur la vie professionnelle et la famille, mais aucun sur l’entité familiale dans son ensemble.
Ainsi donc « Famille et créativité notariale : accompagner les tribus d’aujourd’hui » au programme de cette édition 2025. Un intitulé « accrocheur mais quelque peu énigmatique », a estimé le professeur. Est principalement questionné le terme de tribu, qui d’après Étienne Casimir permet de représenter la diversité des configurations familiales actuelles, des familles traditionnelles aux nouvelles formes de parentalité.
Car en 26 ans, la famille a bien changé – en 1999, il était surtout question de l’application de la loi relative au PACS et de la réforme globale du droit de la famille – malgré une relative continuité, les couples mariés avec des enfants communs représentant encore les deux tiers des familles.
Au sujet de l’expression « créativité notariale », le professeur poitevin a expliqué qu’il s’agit là d’une manière de passer d’un « notariat de l’uniforme à un notariat d’accompagnement ». Une créativité bien distincte de la créativité juridique : « Bien entendu, il ne s’agit pas de laisser entendre que le notaire créerait plus ou mieux que d’autres praticiens », nuance Étienne Casimir.
Pour ce congrès, trois grands thèmes ont été abordés : la naissance de la famille, la vie de la famille, et la mort au sein de la famille. Lors des trois commissions, suivies par près de 2600 notaires, 15 propositions ont été soumises au vote des notaires présents. À une exception près (celle sur la dynamisation du régime de communauté par une plus grande liberté d’aménagement contractuel), toutes ont été adoptées, la plupart à la quasi-unanimité.
Étienne Casimir préfère lui diviser ces propositions en deux parties, en distinguant la « famille horizontale », c’est-à-dire les relations de couple, et la « famille verticale », pour les relations parents-enfants.
Concernant la famille horizontale, l’une des propositions phares a été la suppression de la réserve héréditaire du conjoint survivant. Le rapporteur souligne l’incohérence du droit qui amène à cette proposition : « On ne comprend pas bien qu’un époux pouvant toujours divorcer doive garantir à son conjoint la transmission d’une part de sa succession ». La supprimer permettrait de « recentrer [la réserve] sur les descendants », retrouvant ainsi « sa cohérence et donc sa vigueur ».
Une autre orientation forte a été de préserver le pluralisme des unions (mariage, pacs), en proposant par exemple de faire du régime de l’indivision dans le Pacs un « modèle réduit de la communauté matrimoniale ». Objectif selon le rapporteur de synthèse citant la commission qui a travaillé sur le sujet : éviter qu’il ne soit « plus communautaire que la communauté » elle-même.
S’agissant de la famille verticale, la proposition la plus « spectaculaire, autant sur la forme que sur le fond », selon les mots d’Étienne Casimir, est la proposition de création d’une déclaration de beau-parentalité. Unique proposition défendue sur scène par les membres des trois commissions, elle a pour objectif de conférer au beau-parent des droits et des obligations – comme une obligation alimentaire subsidiaire – à travers une proposition « mesurée », ne constituant pas « un véritable statut du beau-parent », tout en s’éloignant d’une « parentalité à la carte ».
Enfin, pour illustrer le caractère transversal de la créativité notariale, un pas de côté a été fait avec des propositions en dehors du droit de la famille, notamment pour sécuriser la pratique de la gérance successive dans les sociétés, ou pour proposer une réforme complète du démembrement de propriété sur les droits sociaux, afin de sortir de « l’impasse » doctrinale et jurisprudentielle actuelle, souligne Étienne Casimir.
Le bilan global de l’événement est positif selon les organisateurs, avec la présence de 152 exposants et partenaires. « Le congrès des notaires est une belle machine », s’est félicité Jean Gasté, président du 121e congrès. Le rapporteur a eu droit à des félicitations appuyées de la part de Jacques Combret, le rapporteur du congrès de Marseille de 1999 : « Il y a quelques jours, tu me faisais part de ton inquiétude : tout est bouclé, mais que peut-il arriver ? Il ne s’est rien passé, tout s’est bien passé. »
Marc Cagniart, ancien président de la Chambre des notaires de Paris, a lui loué ses capacités à s’adapter à l’époque : « Tu es attaché aux valeurs fondamentales de la famille traditionnelle, mais es aussi ouvert aux autres schémas familiaux. »
Et pour clôturer officiellement cette édition, les différents intervenants du congrès ont été invités sur scène, accompagnés de leurs conjoints respectifs. De quoi unir les familles respectives des congressistes et la famille notariale, pour terminer sur une image ce congrès consacré… à la famille.
Le prochain congrès, qui se déroulera l’an prochain à Lille, a par ailleurs été présenté au cours de cette cérémonie de clôture, et sera consacré à un thème qui devrait rester d’actualité d’ici le 30 septembre 2026 : le notaire et l’impôt.
Les propositions adoptées par le 121e Congrès des notaires :La naissance de la famille• Pour un réaménagement du régime de l’indivision dans le pacs• Pour une définition de la contribution aux charges du mariage en séparation de biens • Désigner un tuteur pour l’enfant mineur La vie de la famille• Pour une simplification de la procédure de changement de régime matrimonial• Fixer les prérogatives de l’usufruitier et du nu-propriétaire sur les droits sociaux • Moderniser la liquidation du régime de participation aux acquêts • Moderniser l’hypothèque légale du prêteur de deniers afin de faciliter les financements des opérations immobilières familiales • Surmonter les blocages rencontrés dans le partage judiciaire Le décès au sein de la famille• Pour la suppression de la réserve héréditaire du conjoint survivant• Pour une suppression des droits de retour légaux • Pour la création d’un pacte de famille de gel des valeurs • Pour la consécration d’une gérance successive • Pour un droit aux dividendes des héritiers et ayants droit en attente d’agrément Proposition commune• Pour une déclaration de beau-parentalité |
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