Journées notariales de la personne et de la famille - L’actualité du divorce


mardi 28 mars 20175 min
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Plus de 300 participants se sont retrouvés lors des « Journées notariales de la  personne et de la famille », incontournable rendez-vous annuel de la profession. Cet évènement a été organisé par l’Institut notarial du patrimoine et de la famille les 6 et 7 mars 2017 à l’École du notariat de Paris, avec l’appui d’universités de renom (Toulouse, Lyon, Bordeaux, etc.). L’occasion de revenir sur l’actualité juridique, et particulièrement sur le nouveau divorce par consentement mutuel sans juge, lequel suscite toujours questions et incertitudes parmi ces professionnels du droit.



Promulguée le 18 novembre 2016, la loi sur le divorce sans juge est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. À l’origine, l’idée était de sortir des tribunaux les dossiers non contentieux en matière de divorce, afin de « recentrer le juge sur ses missions essentielles ». Un projet de loi autonome aurait ravivé d’ancestraux débats sur la famille, c’est pourquoi le législateur a intégré cette réforme au sein du mouvement plus vaste qu’est la loi sur la Justice du 21e siècle. Cet « amendement surprise », selon les termes d’Hugues Fulchiron, professeur à l’université Lyon 3 Jean Moulin, a entraîné dès le départ contestations et critiques. De la part des avocats qui se sont sentis infantilisés par la loi puisque leur acte doit être déposé au rang des minutes du notaire, des notaires qui ont estimé que leur rôle était minime, des juges enfin qui ont craint que les droits de l’enfant ne soient pas respectés. Cependant, les porteurs du projet sont restés sourds à toutes ces controverses.

Si certaines de ces inquiétudes ne sont pas fondées et même s’il n’est pas nécessaire de sombrer dans le « catastrophisme », avouons qu’il existe de réelles incertitudes quant à cette réforme, qu’il s’agisse du processus même du divorce ou de l’après-divorce. C’est en tout cas ce qu’ont souhaité dénoncer les notaires lors de cet évènement.

 

I. « Un choix révolutionnaire »


Pour le professeur Fulchiron, le choix qu’a fait le Gouvernement de se passer de juge est « un choix révolutionnaire ». En effet, désormais c’est la volonté des époux qui fait le divorce. On pourrait presque dire qu’« ils se divorcent », puisqu’il n’existe plus aucune autorité de substitution qui intervienne. Il leur revient également de régler entre eux les conséquences de leur divorce, même s’ils ont des enfants. Pour les intervenants, ce processus s’apparente à la rupture du PACS. Cela en dit long sur l’évolution actuelle de la notion même de mariage, lequel par cette nouvelle procédure devient totalement contractualisé. Pour les sénateurs qui étaient opposés à la loi : « Les dispositions contestées portent atteinte " au caractère d’ordre public du droit de la famille " ».


 

II. Le processus du divorce et ses difficultés

 

A. Des professionnels insatisfaits de leur rôle


Dans le rapport Haeri sur « L’avenir de la profession d’avocat » remis le 3 février 2017 à Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, les avocats ont réclamé l’acte authentique d’avocat, au moins pour le nouveau divorce. Et même plus, puisqu’ils souhaitent que soit donné « force exécutoire » à leur acte si jamais les notaires « mécontents » ne remplissaient pas leur rôle.

Or, a rappelé lors de ces journées Maître Jean-Michel Mathieu, notaire réputé de l’Ain, seul le notaire est « délégataire de l’autorité publique ». C’est la seule profession juridique qui soit aussi inspectée, la seule qui porte une aussi grande responsabilité. C’est pourquoi, un des dangers pour les notaires serait « l’acte authentique d’avocat en matière de divorce ». Ils ne peuvent abandonner cette prérogative, c’est pourquoi « plus que jamais le notaire doit asseoir ses compétences et devenir le référent en droit de la famille », a-t-il recommandé.

Conscients que certains de ses confrères auraient souhaité que les notaires se substituent carrément au juge en prononçant le divorce, et cela pour éviter qu’ils n’apparaissent comme un simple enregistreur d’acte, Jean-Michel Mathieu lui pense que « le notariat aurait eu beaucoup à craindre d’un rôle accru dans ce cadre du divorce ».


 B. Le rôle du notaire


Dans ce nouveau divorce, les époux doivent se faire assister chacun par un avocat. Ils peuvent aussi, s’ils le souhaitent, demander l’aide d’un notaire pour la liquidation du régime matrimonial ou quand il y a prestation compensatoire. À noter que si les requérants décident de ne pas prévoir de prestation compensatoire, et puisque désormais le juge ne vérifie plus l’équité des mesures adoptées « il sera prudent qu’ils le disent et s’en expliquent précisément pour éviter une remise en cause ultérieure de la convention », a conseillé le professeur Fulchiron.


Selon l’article 229-1 du Code civil, lorsque la convention est entièrement rédigée, et que chacune des parties a donné son accord, l’acte est déposé au rang des minutes du notaire, qui dispose d’un délai de 15 jours pour l’enregistrer. Le dépôt de la convention par le notaire lui confère date certaine et force exécutoire. Le mariage est dissout à cette date précise (art. 229-1 al.2 et 260 combinés). Le rôle du notaire est cependant plus que réduit car il n’intervient pas dans la construction de la convention. Il lui appartient seulement de contrôler les informations formelles, de s’assurer que les délais de réflexion ont bien été respectés... Si tous les éléments prévus aux alinéas 1° à 6° de l’article 229-1 du Code civil ne figurent pas dans la convention, le notaire doit refuser de procéder au dépôt de l’acte. Les époux et leurs avocats respectifs devront alors rédiger une nouvelle convention. Il reste que le notaire n’a pas à contrôler le contenu précis de cette dernière (équité et légalité des solutions retenues, choix qui ont été faits…), ce que le juge, lui, faisait avant la réforme. Cette situation peut poser de réels problèmes d’éthique au notaire qui enregistre l’acte. En effet, si par exemple il constate des dysfonctionnements, ou des défauts de conception tellement flagrants que cela « saute aux yeux », peut-il réellement inscrire cet acte au rang de ses minutes, sans ressentir un certain malaise, ou sans que cela ne rentre en contradiction avec ses principes déontologiques ? S’il l’enregistre quand même, les époux ne risquent-ils pas de le poursuivre pour ne pas les avoir alertés ? Et en même temps, la loi précise que son devoir consiste seulement à enregistrer l’acte et à ne rien contrôler… La simplicité de son rôle n’est donc qu’apparente, et on pourrait même dire que sa situation est plus que périlleuse.


 

Maria-Angélica Bailly

 

Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial des Sociétés n° 24 du 25 mars 2017


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