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La loi du 6 août 2015, dite Loi Macron, a profondément modifié la première phase de la procédure prud’homale (I) et édicté des mesures destinées à améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale (II).
Le bureau de conciliation, qui porte aujourd’hui le nom de bureau de conciliation et d’orientation (BCO), voit ses pouvoirs élargis (A) et oriente le dossier pour la suite de la procédure (B).
A. Les pouvoirs élargis du BCO
Composé d’un conseiller salarié
et d’un conseiller employeur, du fait du paritarisme de la juridiction
prud’homale, le BCO peut entendre, dans
la confidentialité, l’employeur ou le salarié, sans l’autre partie mais
avec son assistant (art. L 1454-1 du Code du travail).
Il a la faculté d’entendre « séparément et dans la confidentialité »
les parties, l’objectif étant de faciliter la conciliation ; en effet la
mission première du BCO est de concilier les parties.
Si la conciliation n’a pas abouti, le BCO assure la mise en état des affaires (art. L 1454-1-2 du Code du travail).
Le décret attendu fournira probablement plus d’informations au sujet de cette mise en état.
Le BCO a également la possibilité de juger l’affaire immédiatement (art. L 1454-1-3 du Code du travail). Cette situation peut se présenter si, sans motif légitime, une partie ne comparait pas, personnellement ou représentée.
Bien entendu il faudra que cette partie ait été régulièrement
convoquée par le greffe du Conseil de prud’hommes.
Dans la mesure où précisément l’une des parties ne sera pas
présente, comment le BCO pourra-t-il juger que son absence n’est pas
légitimement motivée ? La loi ne fournit pas de réponse à cette question.
Cette hypothèse du jugement par le BCO nécessite qu’avant
l’audience, les pièces et arguments aient déjà été communiqués par le demandeur
au défendeur. Cela signifie que le demandeur ait, dès la saisine du Conseil de
prud’hommes, adressé ses pièces et écritures au défendeur, et qu’il soit en
mesure d’en justifier devant le BCO.
En effet le principe du contradictoire s’impose et il appartient
au juge de vérifier qu’il a bien été respecté.
Sous cette réserve, une décision pourra être rendue dès la séance
du BCO.
Le bureau de conciliation avait déjà la possibilité de prononcer une ordonnance dès ce premier stade de la procédure.
La grande nouveauté réside dans l’orientation que le BCO pourra donner au dossier, dès la séance de conciliation.
B. Les différentes orientations possibles
Trois orientations seront envisageables (art. L1454-1-1 du Code du travail).
La première consiste en un renvoi devant le bureau de jugement à quatre, deux salariés et deux employeurs ; rien de nouveau dans cette hypothèse qui est celle rencontrée classiquement jusqu’à la loi Macron, si ce n’est la mise en état évoquée ci-dessus.
La seconde orientation consistera à renvoyer l’examen du dossier devant un bureau de jugement en formation restreinte, c’est-à-dire composé de deux conseillers seulement, un employeur et un salarié.
Cette situation sera possible uniquement si le litige porte sur un
licenciement ou une demande de résiliation judiciaire. Elle nécessitera
l’accord des parties.
Il est à noter que l’essentiel des litiges dont est saisie la juridiction prud’homale porte sur la contestation du bien fondé du licenciement.
Rien n’empêchera le demandeur d’ajouter ensuite des demandes additionnelles.
La formation restreinte devra statuer dans un délai de trois mois. Aucune sanction n’étant prévue si ce délai n’est pas respecté il y a fort à parier qu’il ne le sera pas plus que le délai d’un mois dans lequel le juge départiteur doit statuer.
L’objectif poursuivi par le législateur d’accélérer la procédure prud’homale risque de ne pouvoir être atteint compte-tenu de l’encombrement de la juridiction prud’homale.
Il n’empêche que les demandeurs auront intérêt à limiter leur demande initiale à la contestation du licenciement, ou la résiliation judiciaire, pour espérer obtenir une date de bureau de jugement en formation restreinte plus proche que la date de renvoi devant le bureau de jugement classique.
Les cas de saisine directe du bureau de jugement, qui devaient déjà permettre un jugement rapide des affaires, n’ont pas vraiment atteint cet objectif dans la mesure où les dossiers sont rarement en état pour le premier bureau de jugement et font souvent l’objet de renvoi.
Préparer un dossier dans le respect du contradictoire prend plus de temps que ne le croient le législateur et bon nombre de conseillers prud’hommes, ce que savent les avocats.
La troisième voie offerte au BCO consistera, si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie, à renvoyer l’examen du dossier devant un bureau de jugement présidé par un juge départiteur (art. L1454-1-1 du Code du travail).
Ce sera un départage sans partage de voix, autrement dit un échevinage qui ne dit pas son nom, et partant la fin du paritarisme.
A la différence du départage dans sa formule classique, le juge départiteur du bureau de jugement à cinq ne pourra pas siéger en l’absence des conseillers prud’hommes.
La loi prévoit le renvoi devant le bureau de jugement à cinq si la nature du litige le justifie, sans préciser ce que cela signifie.
Le juge départiteur sera désormais un magistrat du Tribunal de grande instance alors qu’il émanait du tribunal d’instance jusqu’à présent.
A défaut d’accord des parties il n’y aura pas de bureau de jugement à cinq.
Dans tous les cas de figure, le bureau de jugement pourra assurer la mise en état de l’affaire et un ou deux conseillers rapporteurs pourront être désignés pour que l’affaire soit mise en état (art. L 1454-1-2 du Code du travail).
Qu’en est-il du paritarisme si un conseiller seul est désigné ? Sera-t-il salarié ou employeur ? Encore une question sans réponse.
La volonté d’accélérer la procédure l’a, sans aucun doute, complexifiée en multipliant les orientations offertes au BCO et les procédures possibles devant le Conseil de prud’hommes (BCO qui juge ; BCO qui oriente devant le bureau de jugement à deux, à quatre ou cinq ; saisine directe du bureau de jugement sans passer par le BCO ; départage de bureau de jugement ; référé et départage de référé), sans pour autant prévoir de sanction en cas de non respect des délais raccourcis.
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