Le Sénat fête les 50 ans de la saisine parlementaire


lundi 21 octobre 20244 min
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La chambre haute organisait jeudi 17 octobre un colloque consacré à la réforme constitutionnelle qui a vu naître ce mécanisme ayant « profondément modifié le fonctionnement de nos institutions », s’est félicité Gérard Larcher.

« Le général de Gaulle disait qu’une constitution c’est un esprit, un texte, une pratique. » Pour célébrer les 50 ans de la saisine parlementaire du Conseil constitutionnel et à l’occasion d’un colloque consacré à ce sujet le 17 octobre, le président du Sénat Gérard Larcher a souhaité citer le Premier président de la 5e République, l’un des inspirateurs de la Constitution de 1958, 16 ans avant sa modification visant à permettre aux sénateurs et aux députés de saisir les Sages sur une loi adoptée, avant sa promulgation.

Celui qui est à la tête de la chambre haute est d’abord revenu sur l’esprit de cette modification souhaitée par Valéry Giscard d’Estaing. Objectif souhaité par le chef de l’État de l’époque : fixer des limites à la tentation d’abus du pouvoir de la majorité et décrisper les rapports entre majorité et opposition. « Certains pensaient alors qu’il avait envie de prévenir une potentielle alternance aux législatives suivantes », se remémore le président du Sénat.

Déposé en septembre 1974, le projet de loi constitutionnelle prévoyait la saisine parlementaire, mais aussi l’auto-saisine du Conseil constitutionnel. Cette dernière disposition fut supprimée en première lecture à l’Assemblée nationale, les députés craignant l’avènement d’un gouvernement des juges. C’est d’ailleurs avec ce même argument que la saisine parlementaire n’avait pas été ajoutée dans la Constitution originelle. La saisine à 60 députés ou sénateurs est finalement adoptée après deux lectures dans chaque chambre, et promulguée le 29 octobre 1974.

Des oppositions originellement farouches

« Nous devons conserver à l’esprit l’originalité de l’introduction d’un tel dispositif au sein du système institutionnel français traditionnellement attaché à la souveraineté de la loi et rétif à l’affirmation des droits de l’opposition », a estimé Muriel Jourda, sénatrice du Morbihan.

Une réforme qui ne séduit pas tout le monde, à commencer par une partie des premiers concernés, les parlementaires de l’opposition. Le député socialiste André Chandernagor jugeait même à l’époque cette révision de la Constitution « inopportune, dérisoire et adéquate aux problèmes particuliers qu’elle prétend résoudre ». « Je ne suis pas sûr que cela ait été confirmé ensuite par la pratique », a euphémisé Gérard Larcher.

Pour Muriel Jourda, cette réforme libérale « fut vertueuse à deux égards : d’une part car elle a constitué le premier des droits nouveaux de l’opposition, d’autre part car elle favorise la garantie des droits fondamentaux ».

Sur la pratique, « la saisine a profondément modifié le fonctionnement de nos institutions, a jugé le président du Sénat. Elle a conforté le Conseil constitutionnel en lui permettant de sortir de son simple rôle de chien de garde du parlementarisme rationnalisé, pour devenir plus un gardien des droits et libertés fondamentaux. » Un rôle qui, selon Muriel Jourda, évolue encore au fil du temps : « La révision constitutionnelle continue de déployer des effets nouveaux à mesure que les équilibres institutionnels évoluent. »

Pour Gérard Larcher, la saisine parlementaire a aussi marqué le travail parlementaire. Les élus, ayant la possibilité d’une saisine telle une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes, « sont amenés à prévenir les risques d’inconstitutionnalité, amenant une forme d’autorégulation ».

Vers une évolution de la saisine ?

L’élu loue aussi le pouvoir que donne cette possibilité de saisine aux oppositions, « à condition de savoir la manier, point trop en user, bien cibler les dispositions contestables pour concentrer ses chances de succès ».

La saisine parlementaire est pour lui « à la croisée de la loi et de la Constitution, de l’opposition et de la majorité, du vote de la loi et de son contrôle ».

Cette modalité de saisine demeure, malgré l’essor de la QPC depuis 2008, une voie privilégiée d’accès au juge constitutionnel, a assuré Muriel Jourda, qui a néanmoins rappelé que « dans son état actuel, le Conseil constitutionnel et la procédure suivie devant lui peuvent faire l’objet d’interrogations voire de critiques qui doivent rester constructives ». On peut notamment penser aux attaques virulentes contre l’institution au moment de la censure partielle de la loi immigration en janvier dernier, une partie de la droite favorable à cette loi ayant dénoncé « un gouvernement des juges ».

Mais le rôle du Conseil constitutionnel et le mécanisme de saisine pourraient évoluer. La sénatrice a notamment évoqué la possibilité d’aboutir à une cour constitutionnelle, avec une saisie encore plus ouverte et un mode de désignation de ses membres différent. En ce qui concerne les modifications apportées au principe de saisine, Muriel Jourda a émis la possibilité de « rendre la procédure moins asymétrique entre le gouvernement et le parlement ». Les lignes ne sont donc pas figées et tout cela pourrait évoluer. Mais il faudra être patient, car comme l’a souligné la sénatrice : « En matière constitutionnelle plus que dans d’autres pans du droit, les évolutions se font sur le temps long. »

Alexis Duvauchelle

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