Économie

La CCI Essonne se penche sur la transition écologique des entreprises

La Chambre de commerce et d’industrie de l’Essonne a convié les entreprises à son événement de rentrée annuel, en septembre dernier. Au menu : le point sur la santé de l’économie essonnienne et des échanges autour de la transition écologique. L’économiste Eric Heyer et le président de la Fresque du climat, Cédric Ringenbach, ont apporté leurs éclairages aux entreprises du territoire.


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Mylène Hassanylundi 6 octobre5 min
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La rentrée de la CCI Essonne, le 15 septembre dernier, a rassemblé de nombreux acteurs économiques du territoire.

Patrick Rakotoson, président de la CCI 91 depuis 2021, n’use pas de langue de bois. Lorsqu’il accueille le public d’entrepreneurs, nombreux, il entame son discours par le constat d’un tissu économique fragilisé par un contexte politique instable, des crises mondiales et des conflits armés.

Dans la salle aussi, des représentants de l’État, notamment la préfète à l’égalité des chances de l’Essonne, Julie Bouaziz. Cette dernière salue d’ailleurs les atouts du département, porté sur l’innovation et les technologies, et « la santé des entreprises essonniennes, qui résistent, grâce à des filières porteuses qui tiennent ».

Présents aussi ce soir-là, des élus locaux, dont le président du conseil départemental, François Durovray, des représentants du Medef et de la CPME, des fédérations professionnelles et la présidente du tribunal de commerce d’Évry, ainsi que les anciens chefs de juridiction de ce dernier.

« Notre responsabilité collective et locale est d’assurer la croissance et la cohésion sur le territoire, poursuit Patrick Rakotoson. Le tout en ayant affaire à une situation politique qui ressemble à un feuilleton kafkaïen, qui pénalise surtout les jeunes entreprises. » Et la conjoncture internationale est « tout aussi inquiétante », juge le président de la CCI. « Notre pays prend le risque de se faire vassaliser, les règles internationales s’effritent. »

L’Essonne, un département aux « atouts majeurs » victime de l’instabilité

Dans ce contexte, poursuit-il, la France doit se repositionner : « Elle a des atouts qui ne suivront pas sans une politique forte et une stratégie lisible. » Quant à l’Essonne, « notre département a lui aussi des atouts majeurs : du foncier disponible, des routes, des innovations, notamment grâce à la présence du plateau de Saclay ».

Mais dans le 91 aussi, les signaux d’alerte sont bien présents. Le chômage y est en hausse, l’accès aux financements difficile – « je sais qu’on a beaucoup de banques dans la salle », interpelle Patrick Rakotoson – et « l’instabilité est politique, fiscale, budgétaire ». Dans l’Essonne comme ailleurs, se fait sentir l’usure des élus locaux et la volonté d’une vision politique de long terme.

Face à ce constat bien amer, la CCI souhaite, en cette rentrée 2025, se pencher sur des solutions. Le grand thème de cette année, c’est donc la transition écologique, qu’il faut voir non comme une contrainte, mais comme « une opportunité d’innovation », un « projet de bon sens au service de l’intérêt général ». La politique en ce sens est « volontariste » sur le territoire, appuie Julie Bouaziz, qui assure les entrepreneurs du soutien de l’État.

À lire aussi : En 2025, le commerce devra être « résilient », prévient la présidente de la CCI Paris

Éric Heyer, docteur en économie et directeur du département analyse et prévision de l’OFCE, est l’invité d’honneur de la cérémonie. Après avoir présenté une photographie complète de la situation économique internationale et nationale – une croissance en baisse dans la zone euro, mais des pays du Sud qui résistent, une surépargne, une baisse globale des investissements –, il concède que c’est « l’incertitude » qui pèse le plus sur la santé financière des entreprises.

Mais aujourd’hui, le monde n’a plus le choix : la transition écologique est « un virage à prendre ». La croissance émet du CO2 ? Oui. Il faut donc investir dans des énergies propres. Éric Heyer liste des leviers : sortir des combustibles fossiles « le plus rapidement possible », transformer et utiliser des énergies propres, et passer du côté de la sobriété et de l’économie circulaire.

Pour cela, il faut inciter les entreprises françaises à franchir le pas : changer la règlementation, donner plus de subventions. En bref, aider les ménages, mais aussi les entreprises, à transformer leurs pratiques en profondeur.

La fiscalité, une solution pour la transition ?

Éric Heyer évoque notamment le fait de redistribuer les bénéfices de la taxe carbone dans un esprit collaboratif, afin que chacun, à son échelle, puisse transformer ses habitudes.

Cédric Rigenbach, du cabinet Bluechoice, président de la Fresque du climat, qui accompagne les entreprises dans la sensibilisation aux enjeux climatiques et les aide à identifier les risques et opportunités de transition, prend la suite des interventions.

Pour lui, les entreprises doivent augmenter leur lutte contre le gaspillage, mieux évaluer ce qui est produit et ce qui est consommé, augmenter la durée de vie d’un objet, mutualiser les biens,… Les solutions ne manquent pas. Il alerte aussi sur les risques du changement climatique, plus que coûteux, et dont on constate aujourd’hui très concrètement les conséquences sur l’économie. Les entreprises ne peuvent que gagner à lutter contre le dérèglement du climat.

Cédric Rigenbach insiste lui aussi sur les liens entre santé financière des entreprises et transition écologique : il faut selon lui « rendre rentables les investissements liés à la décarbonation ». Et d’évoquer ensuite le marché des quotas carbone, aussi appelé le Système d’échange de quotas d’émissions (SEQE), qui gagnerait selon lui à être revu.

Pour le président de la Fresque du climat, comme pour Éric Heyer, une partie de la solution passe par la fiscalité. Si la taxe carbone est parfois vécue comme une « injustice », il faut quand même parvenir à la voir autrement : « Une taxe par défaut est injuste, argumente-t-il, mais avec le chèque vert, le système devient redistributif. »

« Ne pas agir va coûter beaucoup plus cher que d’agir »

Dans tous les cas, la taxation nécessite de la pédagogie. « N’y aurait-il pas d’autres façons de faire que l’écologie punitive ? Pour d’autres prélèvements, on n’utilise pas le terme punitif », questionne-t-il encore. Encore une fois, explique-t-il, il faut aller vers la rentabilité des rendements de décarbonation. Et en ce qui concerne les ZFE, il devient nécessaire de « mettre tout le monde autour de la table ».

Pour Cédric Ringenbach, comme pour Éric Heyer, la transition écologique doit donc être « une opportunité à saisir » pour les entreprises. Cette dernière, selon le président de la Fresque du climat, peut permettre de « faire plus avec moins ».

« On n’y arrivera pas si on ne change pas les règles du jeu, et cela passe par le plan politique, estime-t-il. Il nous faut aujourd’hui réclamer de la visibilité sur le prix du carbone, qui devrait être visible sur plusieurs années à l’avance. »

L’assemblée semble rejoindre l’intervenant sur ces constats : une volonté politique forte, qui « n’oublie pas les PME et les TPE », semble l’évidence. Une cheffe d’entreprise essonnienne, dont la spécialité est l’agriculture locale, fait à la fin de la conférence un petit rappel salutaire : « Il ne faut pas oublier les initiatives locales. Nous sommes beaucoup dans l’agriculture à avoir pris le chemin de l’anti-gaspi et du recyclage, mais nous ne sommes que peu aidés. »

Chacun s’accorde sur ce point : c’est l’immobilisme qui nous conduit au pire. « Ne pas agir va coûter beaucoup plus cher que d’agir, insiste Cédric Ringenbach. Étant donné que ce n’est jamais le bon moment, choisissons maintenant. »

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