Justice

Damien Savarzeix veut « redonner souffle et ambition à la justice » à Créteil

Damien Savarzeix a été officiellement installé dans ses fonctions de procureur de la République près le tribunal judiciaire de Créteil, ce lundi 13 octobre. À la tête du parquet d’une juridiction de taille, la cinquième de France, restée plus de six mois sans procureur, il a décliné les ambitions de sa croisade pour l’« efficacité judiciaire ».


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Delphine Schiltzlundi 13 octobre4 min
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Damien Savarzeix, officiellement installé dans ses fonctions de procureur de la République au TJ de Créteil, prononce son discours, lundi 13 octobre 2025 ©CA Paris

Lors d’une audience solennelle, lundi 13 octobre, en présence de Jacques Boulard, premier président de la cour d’appel de Paris, de Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale près ladite cour, Damien Savarzeix a été officiellement installé dans ses fonctions de procureur de la République près le tribunal judiciaire de Créteil.

Il y a livré un discours à mi-chemin entre constat lucide et manifeste d’action, sans toutefois entrer dans le détail d’une politique pénale qu’il a jugé « prématurée », quelques semaines seulement après son arrivée. A contrario, il a préféré partager « une réflexion sur les conditions d’une efficacité judiciaire fort actuelle ». « Notre système peine à trouver sa respiration », a-t-il reconnu, évoquant une institution « totalement préoccupée par un traitement quantitatif » au détriment de la qualité.

Sans surprise, le procureur a pointé le manque criant de moyens du tribunal cristolien. Comparant la juridiction val-de-marnaise à ses homologues européennes, il note que le tribunal de la
province de Murcie en Espagne, qui abrite dans son ressort la population du Val-de-Marne, compte, « pour un volume de procédures traitées considérablement inférieur au nôtre, 74 magistrats au parquet, là où nous sommes 37 ».

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La situation des grands tribunaux outre-rhin serait encore plus édifiante, a-t-il estimé, prenant pour exemple le parquet de Berlin « dont le ressort compte 1,9 millions d’habitants, 400 000 de plus que le Val de Marne, et qui accueille non pas 50 ou 60 procureurs mais 198, avec une capacité de jugement proportionnelle du tribunal 5 fois supérieure à la nôtre

Des moyens à la hauteur des ambitions ?

« Il faut maintenir l’investissement public sur le cœur des missions régaliennes », a-t-il plaidé, tout en saluant une loi de programmation de la Justice « ambitieuse mais encore loin du compte ». Votée il y a 3 ans, elle prévoit à terme 25 % de moyens supplémentaires pour le tribunal, a rappelé Damien Savarzeix.

Or, le magistrat a fait les comptes : « À la minute où je vous parle, le TJ n’est toujours pas rempli de ses effectifs tels que définis en 2022, loin de cet objectif cible que projette la loi (…) C’est bien la nomination prochaine de magistrats et fonctionnaires supplémentaires qui reste le premier facteur d’amélioration. Est-il illusoire de l’espérer dans la réalité budgétaire qui est la nôtre ? », s’est-il interrogé.

La veille, Sébastien Lecornu annonçait la constitution d’un nouveau gouvernement en vue d’adopter un projet de budget pour 2026.

« Redonner souffle à la filière d’investigation de la police nationale »

Conscient que l’efficacité judiciaire repose d’abord sur la qualité de l’enquête, le procureur a insisté sur la nécessité de « redonner souffle à la filière d’investigation de la police nationale », aujourd’hui en crise de moyens, d’encadrement et d’attractivité.

Dans l’attente d’une réforme d’ampleur, il mise sur une meilleure priorisation des dossiers et un évaluation des besoins immédiats d’effectifs supplémentaires dans les commissariats. « C’est la qualité de l’enquête qui détermine notre capacité à établir la vérité », a-t-il tenu à souligner.

Dans un second souffle, Damien Savarzeix a ancré son mandat dans la modernisation. Le parquet s’engagera résolument vers la certification de « tribunal pénal numérique » et l’usage de l’intelligence artificielle comme outil d’aide au traitement des procédures. « L’IA ne remplacera jamais le discernement humain, mais peut accélérer et approfondir notre travail », a-t-il estimé.

Le procureur souhaite également territorialiser l’action publique, en lien avec les maires et les forces de sécurité. Il a prôné une connaissance fine de la délinquance locale pour mieux adapter la réponse pénale et prévenir la récidive. L’expérimentation de dispositifs inspirés du modèle marseillais de lutte contre le blanchiment figure déjà à l’agenda.

Rompre le cycle de la récidive

Fidèle à une conception républicaine du parquet, Damien Savarzeix a enfin revendiqué une justice « exigeante mais fraternelle ». Les victimes, en particulier celles des violences intrafamiliales, seront « au cœur » de son action, a-t-il déclaré, tandis qu’il a plaidé pour un accompagnement plus intensif des auteurs afin de rompre le cycle de la récidive.

Le procureur s’est aussi prononcé pour le développement d’un « milieu ouvert puissant » pour lutter contre la surpopulation carcérale, conscients cependant « que la difficulté va résider dans la mise à disposition de lieux d’accueil en nombre suffisant » pour assurer le suivi judiciaire des condamnés.

Et de conclure, citant le penseur Raymond Aron, sur une invitation à la persévérance : « Je crois que tout est toujours en question, que tout est toujours à sauver. Que rien n’est définitivement acquis, et qu’il n’y aura jamais de repos sur la terre pour les hommes de bonne volonté ».

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