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Avec AFP. Une proposition de loi socialiste examinée ce jeudi à l’Assemblée nationale veut garantir la présence d’un avocat auprès de chaque enfant en assistance éducative, dès le berceau. Un texte très attendu « qui va faire basculer le rapport de forces au sein de l’Aide sociale à l’enfance », estiment certains soutiens.

CNB, Défenseure des droits et associations de protection de l’enfance la demandent depuis des années : une loi pour rendre obligatoire la présence de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative. Ce jeudi 11 décembre, lors de la niche parlementaire socialiste à l’Assemblée nationale une proposition de loi qui va exactement dans ce sens a de bonnes chances d’être adoptée.
« Cette mesure pourrait changer la face de la protection de l’enfance », croit Lyes Louffok, lui-même ancien enfant placé et co-fondateur de l’association Comité de vigilance des enfants placés, qui soutient le texte.
La proposition portée par la députée Ayda Hadizadeh, ex-déléguée générale des Oubliés de la République, association en faveur des populations précaires, va être débattue dans un contexte marqué par l’émoi suscité par la diffusion d’une vidéo d’un enfant tondu dans un foyer d’enfants placés à Paris.
Affaire sur laquelle une enquête judiciaire a été ouverte mardi pour « violences volontaires sur mineur de quinze ans par personne ayant autorité » et dont la Défenseure des droits s’est aussi saisie.
Le texte veut rendre obligatoire la présence d’un avocat pour chaque enfant suivi par une mesure d’assistance éducative, quels que soient son âge ou son degré de discernement. Ces enfants sont, par la décision d’un juge, placés en familles d’accueil ou en foyers ou suivis dans leur famille par des services sociaux.
Près de 380 000 jeunes sont concernés, selon les données des ministères sociaux. L’avocat, rémunéré 576 euros par audience, serait gratuit pour l’enfant, payé par l’Etat via l’aide juridictionnelle sans condition de ressources.
« L’avocat pourra préparer avec l’enfant son audience chez le juge des enfants, lui expliquer les enjeux, travailler sa parole, être à ses côtés le jour J. Et après, lui expliquer la décision du juge », explique Isabelle Clanet, avocate spécialisée en droits des enfants, qui a expérimenté cette mesure dans les Hauts-de-Seine.
« Il s’agit de mettre aux côtés de l’enfant un gardien de ses droits, une mémoire de son dossier juridique, un fil rouge qui l’accompagne », explique pour sa part la députée Ayda Hadizadeh.
Au nom de l’enfant, l’avocat pourrait faire appel des décisions du juge ou forcer l’Aide sociale à l’enfance (ASE) à respecter des droits – maintien de la fratrie, rencontres avec les parents en présence d’un tiers – pas toujours appliqués faute de place ou de personnel.
Il pourrait intervenir aussi pour un enfant qui lui confierait être victime de maltraitances ou de violences sexuelles. « J’ai été violé dans un foyer. Si j’avais eu un avocat, j’aurais pu obtenir justice et demander un changement de lieu de placement », souligne Lyes Louffok.
Depuis la loi Taquet de 2022, l’enfant a, à chaque renouvellement de mesure, un entretien individuel avec le juge des enfants, qui doit l’informer qu’il peut demander un avocat. Le juge peut aussi demander la désignation d’un avocat s’il est « capable de discernement », ou d’un administrateur ad hoc, s’il ne l’est pas.
L’avocat Arnaud de Saint-Remy, en charge des droits des enfants au Conseil national des barreaux (CNB), témoigne ainsi avoir été nommé par la justice auprès d’un nourrisson issu d’inceste. Son action a notamment consisté, décrit-il, à solliciter « une expertise pour faire reconnaître que son retard cognitif est dû à la consanguinité et obtenir une indemnisation ».
Si le texte est adopté, il pourra aussi saisir la justice si les décisions du juge ne sont pas appliquées. Le Syndicat de la magistrature estime que 3 350 mesures de placement n’étaient pas exécutées en 2023, faute de places.
« On peut envisager de saisir le tribunal administratif pour faire condamner » les services de l’ASE, explique encore Arnaud de Saint-Remy. « Le rapport de forces au sein de l’ASE va basculer. Les affaires vont sortir parce que des avocats vont les médiatiser », souligne Lyes Louffok.
L’assemblée des Départements de France n’a pas « d’opposition de principe » à cette mesure, mais exprime plusieurs « réserves », notamment son « coût », sa « faisabilité », et le « risque de ralentir les délais des décisions ».
La protection de l’enfance est du ressort des départements, qui y consacraient 11 milliards d’euros en 2023, pour une dépense moyenne de 41 000 euros par an et par enfant.
Plusieurs interlocuteurs pointent également le risque d’engorger la justice, en multipliant les contentieux.
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