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L’avocat Grégoire Lafarge est décédé dans la nuit du 11 au 12 novembre dans sa 67e année, après plus de 30 années d’exercice. Un hommage unanime de la profession lui a été rendu, reconnaissante de son engagement rigoureux et de son humanité, qu’il mettait au service du plus puissant des hommes politiques comme du « citoyen ordinaire ».

De cet avocat pénaliste, on retiendra surtout la voix : « une voix magnifique », salue ainsi Pierre-Olivier Sur, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, sur son compte LinkedIn. « Une voix d’avocat, de chanteur et de confident qui vous parle bas mais vrai ».
Grégoire Lafarge est né en 1959 à Boulogne-Billancourt. Il est le fils de Philippe Lafarge, avocat éminent et futur bâtonnier. C’est à l’université Paris II qu’il se forme, et dont il sort diplômé en droit et histoire du droit. Il prête serment en 1985 avant de devenir 7ᵉ Secrétaire de la Conférence. En 1989, sous le bâtonnat de son père, il passe avec succès le concours d’éloquence de la Conférence dont il devient le 7e Secrétaire de la promotion ; il obtient à cette occasion les prix Pilavoine d’Hardiviller et Hector Bezançon. « Il est resté particulièrement marqué par son passage, comme candidat au concours, lors de la mémorable séance de la Conférence Berryer dont l’invité était Serge Gainsbourg ; plus de 30 ans après, il connaissait encore mot pour mot le texte de son intervention », décrit, dans son hommage officiel, le barreau de Paris.
Le droit, pour Grégoire Lafarge, a donc été très tôt une histoire de famille, « collective », « pluridisciplinaire », détaille le barreau de Paris. Avec la SCP Lafarge Flécheux, puis au cabinet Lafarge Associés, « il s’inscrit dans la continuité de l’engagement de son père tout en imprimant sa propre marque : un art de la défense profondément humaniste, exigeant, fidèle à la tradition pénaliste mais ouvert sur les évolutions de la société et des médias ».
En 2004, il est élu au conseil de l’ordre, au sein duquel « il s’est investi avec rigueur et loyauté dans les travaux disciplinaires, déontologiques et institutionnels ». Sous les bâtonnats de Jean-Marie Burguburu et Yves Repiquet, il est, du fait de sa spécialisation, amené à travailler durant son mandat sur les questions liées au droit pénal.
Enseignant à Paris II et à l’EFB, « il avait cette capacité pédagogique à transmettre non seulement des règles de droit, mais une manière d’être avocat, une attitude, une colonne vertébrale éthique », poursuit le barreau parisien. « Grégoire Lafarge a été mon chargé de TD en procédure pénale à Assas, écrit l’avocate Karine Pérotin dans une publication hommage. Quelle émotion de l’écouter plaider avec une intensité vibrante et une grande humanité. Quelle émotion d’avoir plaidé à ses côtés. Grégoire aimait la profession, il aimait son cabinet, il aimait plus que tout transmettre, il aimait la vie. »
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Les avocats qui l’ont connu tiennent aussi à saluer « un confrère soucieux de l’éthique et un homme drôle », « tenant aux principes ». En 2015, devant une étudiante voilée, il avait refusé de donner son cours et retiré ses vêtements, devant des élèves stupéfaits. L’incident avait plongé l’EFB dans la polémique, et Grégoire Lafarge n’y avait plus enseigné. « Cette polémique l’avait beaucoup blessé et il m’en parlait encore des années plus tard », explique l’avocat Didier Bruere-Dawson, pour qui le « droit de réponse » publié par Grégoire Lafarge à la suite de l’altercation est « tellement d’actualité ». « La chaude voix de Grégoire manquera, mais son souvenir nous reste et ses messages aussi ».
À partir de 2018, la maladie le contraint à ralentir. En 2021, lors de la séance où lui fut conféré l’honorariat, il fait entendre une dernière fois « cette voix claire et chaleureuse dont beaucoup d’entre nous gardent encore l’écho », se souvient le chef d’entreprise Florian Silnicki, qui lui a également rendu un hommage appuyé. Ce soir-là, en robe, parlant de son attachement viscéral à la profession, il émouvait autant par ses mots que par sa dignité. »
Lors de cette séance, Grégoire Lafarge avait été accueilli par le bâtonnier Olivier Cousi, la bâtonnière Julie Couturier et Pierre-Olivier Sur, qui raconte lui aussi cet événement : « Il avait rassemblé toutes ses forces. Une dernière fois en robe d’avocat, avec sa voix intacte qui était la plus belle du Palais, il nous avait dit que rien ne comptait d’autre pour lui, que son métier d’avocat. Et dans la grande salle solennelle, je n’avais jamais vu pleurer tout un Conseil de l’Ordre. »
La profession se fait unanime et salue, en ce mois de novembre, l’un des siens, une robe noire qui a marqué ceux qui l’ont connu, et qui a plaidé « tant pour la défense d’anonymes que dans des procès plus médiatiques ». Grégoire Lafarge avait fait sienne la phrase « Défendre celui ou celle qui nous le demande, le pauvre ou le riche, la victime ou le criminel, l’homme politique ou celui de la rue ».
Une célébration religieuse aura lieu ce mercredi 19 novembre, à 10h, en l’église Saint-François-Xavier, Paris (VIIe).
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