Article précédent

Deux enquêtes ont été ouvertes par le parquet de Paris après des menaces de mort adressées à la présidente du tribunal qui a condamné l’ancien président de la République dans l’affaire du financement de sa campagne de 2007. Certains magistrats et avocats s’insurgent contre une « énième remise en cause de l’Etat de droit » et une « dérive dangereuse ».
Le directeur du Parquet national financier (PNF) sur RTL, le président du tribunal judiciaire de Paris sur France Inter. Plusieurs prises de paroles fortes, ce lundi 29 septembre dans les médias, pour expliquer le jugement rendu dans l’affaire du financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy. Et au-delà, pour défendre la justice et ses magistrats.
Condamné à 5 ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé et exécution provisoire pour « association de malfaiteurs », le 25 septembre dernier, l’ex-président avait aussitôt dénoncé une décision « d’une gravité extrême pour l’État de droit », motivée par la « haine des juges » à son encontre.
A la suite de cette condamnation qu’une large partie de la classe politique de droite a qualifiée de « politique », la présidente du tribunal correctionnel de Paris a fait l’objet de nombreuses menaces de mort sur les réseaux sociaux.
« Ce qui se passe dans notre pays aujourd’hui est grave, c’est une véritable dérive dans notre démocratie », a dénoncé Peimane Ghaleh-Marzban, officiellement installé dans ses fonctions de président du tribunal judiciaire de Paris, ce lundi 29 septembre.
« Une magistrate qui a statué dans une collégialité, trois magistrats, à l’issue de débats dont tout le monde a salué la qualité, même les avocats de Nicolas Sarkozy, et après un délibéré qui a été rendu minutieusement avec un jugement de 400 pages, aujourd’hui, cette magistrate fait l’objet de menaces de mort. On a dit qu’une décision de justice était une atteinte à l’État de droit : non, ce qui est une atteinte à l’Etat de droit, ce sont des menaces contre les juges. C’est inacceptable et ça devrait être un électrochoc dans notre pays. »
Autre prise de parole de la profession : celle du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui a fermement condamné les menaces et attaques personnelles visant à remettre en cause l’impartialité des magistrats, dans un communiqué, ce 27 septembre.
« Le Conseil exprime sa vive préoccupation quant à la généralisation de telles attaques, qui fragilisent gravement les fondements de notre démocratie. En effet, si la liberté d’expression permet le commentaire, voire la critique, de décisions de justice, les invectives contre les magistrats et leurs décisions ne peuvent être admises lorsqu’elles visent à remettre en cause l’indépendance et la légitimité de la justice et à compromettre les conditions sereines de son exercice », écrit le Conseil.
L’Union syndicale des magistrats (USM) s’est inquiétée pour sa part de la désignation publiques des magistrats, « du parquet comme du siège », comme des « ennemis politiques », dont découlent des « menaces de mort ou violences graves ».
Réaction plus exceptionnelle de l’Elysée qui a défendu dans un communiqué un État de droit « socle de notre démocratie ».
Emmanuel Macron a demandé au ministre de la Justice et au ministre de l’Intérieur que les auteurs des menaces de mort à l’encontre de la présidente du tribunal correctionnel de Paris « soient identifiés pour être très rapidement poursuivis ».
À lire aussi : Affaire des assistants parlementaires : la juge qui a condamné Marine Le Pen placée sous protection policière
« Je condamne ces menaces sans aucune réserve », a renchéri le garde des Sceaux sur le réseau social X, indiquant l’ouverture d’une enquête par la procureure de la République de Paris.
L’Elysée a également tenu à rappeler que « les décisions de justice peuvent être commentées ou critiquées dans le débat public mais toujours dans le respect de chacun. Elles peuvent être contestées notamment par l’exercice des voies de recours ».
Comme après la condamnation en première instance de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité, une partie de la classe politique s’est attaquée à l’exécution provisoire, qui entraîne l’application de la peine tant qu’un éventuel jugement en appel n’a pas été rendu.
« J’ai l’impression que les uns et les autres découvrent la réalité de la justice de notre pays », s’est étonné Peimane Ghaleh-Marzban. « Mais, allez en comparution immédiate. Tous les jours, des personnes sont incarcérées alors qu’elles peuvent faire appel ».
Un constat partagé par l’Association des avocats pénalistes (ADAP) qui a rappelé que ces modalités de l’exécution provisoire d’une décision frappée d’appel « sont appliquées tous les jours à des centaines de justiciables sous l’œil courroucé des éditorialistes et gouvernants qui fustigeaient jusqu’alors une Justice laxiste ».
« Le jugement rendu cette semaine n’est qu’une application de la loi, dont nous dénoncions les imperfections depuis des années sous les quolibets de droits de l’hommiste », ajoute l’association dans son communiqué, avant d’inviter à « de riches débats législatifs », plutôt qu’à « un prétexte pour fustiger la Justice et les Juges, piliers de notre État de droit et de notre démocratie ».
Les statistiques du ministère de la Justice indiquent, quant à elles, que les peines d’emprisonnement prononcées avec exécution provisoire constituent le pain quotidien des justiciables. En 2023, plus de la moitié des peines d’emprisonnement ferme prononcées par le tribunal correctionnel envers une personne majeure ont été mises à exécution immédiatement. Le taux de mise à exécution immédiate s’établit à 87 % en comparution immédiate, à 63 % après une instruction, à 49 % après une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
THÉMATIQUES ASSOCIÉES
Infos locales, analyses et enquêtes : restez informé(e) sans limite.
Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.
0 Commentaire
Laisser un commentaire
Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *