Tribunal de Nanterre : « j’avais peur qu’il me poignarde dans mon sommeil »

CHRONIQUE. Un homme de 51 ans comparaissait en septembre pour des violences sur sa conjointe, des faits qui se seraient déroulés à plusieurs reprises sur une période de 4 ans. Physiquement diminué et se lamentant à sa barre, Olivier, tout en reconnaissant les faits, a pointé le comportement « humiliant » de son ex-compagne.


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Julien Mucchiellidimanche 28 septembre4 min
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Olivier est un homme sensible. Alors, après avoir entendu le résumé de l’affaire par la présidente, il n’a pu s’empêcher de fondre en larmes. Ce sont des instants émouvants dans une salle d’audience, quand la victime craque à l’évocation des faits qui l’ont brisée. Mais Olivier, 51 ans, est le prévenu.

C’est un homme sensible à la santé précaire : cirrhose, triple AVC, diabète. « Je peux mourir à tout instant », déclare-t-il. Il écoute la juge narrer les violences conjugales pour lesquelles il est poursuivi, suite à une plainte du 14 mars 2025, devant la 20e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre.

Tout débute le soir du 13 mars : une remarque agressive d’Olivier à sa compagne de 26 ans sa cadette, avec qui il vit en concubinage depuis quatre ans. Il lui demande d’abord un rapport sexuel, puis, face au refus de la jeune femme, si elle le trompe. Puis il l’insulte, la saisit par les poignets et la secoue. Alix* s’enfuit chez le voisin, il la poursuit et la ramène par les cheveux. Elle parvient à s’enfuir de nouveau.

Aux policiers, qui prennent des photos de griffures dans son cou et sur la cuisse droite, elle rapporte être victime de violences depuis janvier 2021. Chronologiquement, le premier fait dont Olivier doit répondre est une menace avec un Katana : il a tiré la lame devant elle, l’a pointée dans sa direction puis lui a demandé s’il elle voulait qu’il lui « coupe la tête ». Une autre fois, il l’a menacée avec un couteau. Elle a attrapé la lame, qu’il a tirée, ce qui l’a coupée. Un certificat médical atteste cette blessure.

La présidente s’arrête : « Ça va monsieur ?

Je suis sans voix.

Vous ne faites pas un malaise ?

*Sanglots*

Je continue. »

« Est-ce que quelqu’un peut lui donner un mouchoir ? », demande le procureur.

Olivier ne pleure pas uniquement parce qu’il a honte de ce qu’il a fait, mais aussi – et peut-être surtout – sur lui-même. C’est un long calvaire qu’il narre au tribunal : « Je ne suis pas fier de ce que j’ai fait, mais elle m’humiliait tout le temps ».

Il fait l’historique de leur relation, qui débute en Guadeloupe. « J’aimerais qu’on s’en tienne un peu moins au côté relationnel pur. Quels faits reconnaissez-vous ?

Je suis pas fier.

J’ai compris aussi. Ça s’entend.

Vous l’avez menacée avec un Katana ?

Oui. À sa demande. »

Tout est comme ça, avec Olivier : confus et désarmant, mais finalement, il admet qu’Alix* ne lui a pas demandé de la menacer avec un Katana, mais qu’elle l’a juste provoqué. En quoi ? Il est incapable de l’expliquer clairement.

-« Pourquoi vous ne la quittiez pas ?

Parce que je l’aimais.

Comment on peut aimer quelqu’un et exercer de telles violences ? Il ressort de la procédure que vous aviez une consommation d’alcool extrêmement importante.

Si vous saviez, madame, ce que j’ai enduré.

Mais c’est elle, la victime.

Oui, j’ai ma part de responsabilité, mais j’aurais aimé qu’elle soit honnête aussi.

Cinq litres de vin et une demi-bouteille de whisky.

C’était pour oublier.

C’est phénoménal comme consommation d’alcool. Vous n’avez pas le sentiment que ce terrain alcoolisé a pu favoriser la violence ?

Je voulais en finir avec ma vie. »

Puis, Olivier se remet à pleurer en décrivant ce qu’il subissait.

« Vous réalisez que vous pourriez être devant une cour d’assises ?

Je sais pas c’est quoi.

-Vous pourriez être là pour homicide. Vous sortez un Katana, un couteau.

Je ne suis pas fier. »

Un air dur et lointain anime Alix, 25 ans, qui se place à la barre. Peu bavarde, elle décrit un homme qui ne faisait rien du matin au soir à part s’alcooliser et chercher la dispute, après qu’elle, étudiante en alternance, rentrait fourbue de sa journée.

-« Pourquoi ne pas vous être enfuie, madame ?

Je n’avais nulle part où aller. Pas de famille. »

Elle s’est plusieurs fois enfuie, pour dormir dans sa voiture. Elle ajoute : « j’avais peur qu’il me poignarde dans mon sommeil ».

La procureure n’a pas vraiment apprécié l’attitude du prévenu. « Certes, il a reconnu mais à plusieurs reprises, il revient pour imputer la responsabilité de son propre comportement, avec beaucoup d’émotions, de débordements, mais avec une tendance à se voir plus ou moins comme la victime dans ce dossier ». Elle demande 18 mois de prison avec sursis probatoire.

La défense souhaite détromper le tribunal : « On a l’impression qu’il se victimise, mais ce n’est pas le cas. Il ne tente pas de justifier les violences, il explique pourquoi elles ont eu lieu », plaide-t-il. Olivier est finalement condamné à 12 mois de prison assortis d’un sursis probatoire avec interdiction de contact, de paraître au domicile et obligation de soins.

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