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Le tribunal d’Évry juge un médecin pneumologue pour l’agression sexuelle d’une représentante d’un laboratoire. Il l’aurait embrassée de force sur un parking.

Le Dr Amade, pneumologue, dit au tribunal : « Moi, je suis tombé sous le charme de Madame, et je découvre un visage qui m’a choqué ». S’adressant à la plaignante tout en regardant le tribunal, il complète, d’une voix plaintive teintée d’un accent syrien : « Pourquoi vous venez dans mon bureau avec énormément de charme, et vous cachez ce visage que je ne vois pas ? »
Ce que ce médecin de 68 ans essaie de dire, c’est qu’il croyait que cette représentante pour un laboratoire pharmaceutique, qui a porté plainte contre lui pour agression sexuelle après qu’il l’eut embrassé de force sur un parking, ne venait pas que pour lui vendre ses médicaments. Bien que Joséphine* ait 20 ans de moins que lui et soit sur le point de se marier, il était convaincu qu’elle flirtait avec lui, un flirt qu’il désigne comme « platonique », jusqu’à ce 26 juin 2024, sur le parking d’une pizzeria d’Arpajon.
« Elle m’annonce qu’elle a un autre rendez-vous, je lui ai dit ‘dans ce cas tu me donnes un bisou et on rentre à l’hôpital, et je n’ai manifesté aucun signe d’agressivité », soutient le prévenu devant les juges de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’Évry. « Il me dit que je ne suis pas encore mariée et que je peux lui faire un bisou. Je lui dis que non, il m’attrape par le bras », raconte-t-elle. « Je précise que je suis toujours attachée avec ma ceinture de sécurité », à l’avant d’une voiture où ils sont tous les deux assis. Après le baisé forcé, se souvient-elle, il avait la barbichette blanche colorée par son fond de teint.
Le prévenu proteste : « c’était une simple accolade, avec consentement !
–Elle explique que vous lui tenez le bras.
–C’est faux.
–Que vous l’embrassez sur la bouche de force. »
Mais que faisaient-ils sur ce parking ?
Le Dr Amade dit qu’ils étaient partis déjeuner, tandis que Tiphaine raconte qu’elle avait concédé un rapide café. « J’avais bien calculé les horaires pour éviter le déjeuner », dit-elle à la barre. Elle ajoute : « Je suis un peu bouleversée par tout ce que j’entends ».
Elle rendait visite au Dr Amade depuis quatre ans, régulièrement et sans jamais avoir subi de comportement irrespectueux de la part du vénérable pneumologue qu’elle appelait « mon cher », une marque de respect et non de familiarité. Il y a quelques mois, elle a noté un premier comportement problématique. Alors qu’ils regardent l’écran de son ordinateur, et après qu’il lui eut demandé de faire le tour de son bureau pour se positionner à côté de lui, il pose sa main sur la sienne.
Au rendez-vous suivant, il lui demande un « bisou », ce qu’elle refuse. Il insiste, alors elle tend la joue : « J’espace mes visites, mon supérieur me demande pourquoi, je lui réponds que je ne suis pas à l’aise et que je n’ai pas trop envie d’aller voir le Dr Amade ». Ce dernier lui envoie un message : « Ça fait longtemps que t’es pas venue ».
Le jour des faits, cela faisait donc quelque temps qu’elle était sur ses gardes, et, insiste-elle dans son témoignage à la barre, elle a tout fait pour éviter de se retrouver seule avec lui, mais contrainte par son insistance, elle n’a pu éviter ce café, et cette situation qui a conduit à l’agression sexuelle qu’elle dénonce.
Choquée par ce qui vient de se dérouler, elle raconte la scène à une amie. Dans ce sms, elle qualifie le médecin de « gros porc », de « pneumo qui veut ma langue ». Elle appelle son chef pour lui dire qu’elle ne veut plus le voir. « Je fais ce métier depuis 25 ans et n’ai jamais été confrontée à ce type de problèmes ». Le psychiatre qui l’a examinée a relevé un état de stress, une dysphorie, des crises d’angoisses, des insomnies, un impact d’une « intensité significative » et a établi une ITT psychologique de 8 jours.
« Je crois comprendre en filigrane, dit le procureur, qu’on va vous plaider que toute cette affaire-là n’est qu’une question de quiproquo, mais en réalité la version de Monsieur relève de l’affabulation totale ». Ce que veut dire le procureur, c’est que le prévenu tourne en rond dans sa défense, tandis que la partie civile élabore un récit précis, refaisant les dialogues et contextualisant l’agression. Les deux récits ne se valent pas. Le procureur demande donc 18 mois de prison avec sursis probatoire.
Plaidant l’absence d’élément intentionnel et l’indigence d’une enquête il est vrai peu approfondie – comme c’est très souvent le cas, l’avocate du médecin demande sa relaxe, ce qu’elle n’obtiendra pas. Son client est condamné à 10 mois de prison avec sursis probatoire, interdiction de contact, 1 000 euros de dommages et intérêts, mais pas d’inscription au FIJAIS.
*Le prénom a été modifié
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