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Devant une progression constante du nombre de requêtes et une « crise des référés urgents », le tribunal a réussi à absorber davantage de dossiers et à réduire ses délais moyens de jugement de 15 jours. En plus du contexte sociétal et face au défi de l’efficacité de la justice, le tribunal devrait s’emparer de l’intelligence artificielle, de façon à donner aux juges « les mêmes armes que les justiciables ».
« Le tribunal ! » À cette annonce, près d’une centaine de personnes se lèvent, ce 16 octobre, pour accueillir magistrats, greffiers, présidents de cours et de tribunaux, tous venus célébrer, dans le cadre d’une audience solennelle, le 25e anniversaire du tribunal administratif de Pontoise.
Une juridiction qui a conservé son esprit de samouraï, celui qui a un temps orné la façade du tribunal avant d’en être séparé sur ordre de son créateur architecte, explique le président du TA Frédéric Beaufaÿs. Une juridiction « qui fait face à de grands défis » et dont le présent « s’inscrit dans une tendance qui n’a pas vraiment changé depuis 25 ans », poursuit-il.
Car, au fil des années, qui ont vu défiler pas moins de douze présidents et présidentes, le tribunal dit s’être attaché à rendre une justice plus rapide et au plus près des citoyens.
Le tout malgré la hausse de requêtes nouvelles enregistrées, liée notamment à un changement de compétence de son ressort décidé en 2010.
Le président de section honoraire au Conseil d’État, Bernard Stirn, le souligne dans son discours : « La baisse des entrées qui a suivi le changement de ressort n’a été que très temporaire. Enregistrant plus de 17 000 requêtes par an – contre seulement 11 000 il y a vingt ans, en 2005 –, le tribunal de Cergy-Pontoise est le 4e tribunal administratif de France par le nombre des entrées, après Paris et Nantes, et juste après Montreuil. »
Le président du TA donne lui aussi quelques chiffres. Au 1er octobre 2025, la juridiction administrative a enregistré plus de 21 670 requêtes sur les douze derniers mois, soit une augmentation de 26 % sur la même période l’année précédente. Entre 2020 et 2025, les entrées ont augmenté de 75 % sur cinq ans. Mais Frédéric Beaufaÿs insiste sur un point : « Nous traversons actuellement à Cergy-Pontoise une véritable crise des référés urgents. »
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Avec une hausse qui frôle les 100 %, les requêtes en la matière ont donc doublé au cours des douze derniers mois (5 300 référés enregistrés et une moyenne mensuelle de 600 référés). Une crise provoquée, selon le président du TA, par « celle de la gestion par les services de l’Etat des demandes de titre de séjour des personnes étrangères ».
Le tribunal enregistre par ailleurs une augmentation de 41 % de tous types de litiges confondus. Le contentieux des personnes étrangères représente 58 % des entrées pour 2025, pointe Frédéric Beaufaÿs.
Entre transformations profondes, succession de réformes et évolution des technologies, le TA continue de faire face à deux défis « redoutables ».
Le premier est celui de l’organisation, de l’efficacité et de la qualité de la justice en dépit d’une « massification » des requêtes enregistrées. À Cergy-Pontoise, le juge de première instance éteint définitivement le différend juridique pour 96 % des requêtes, illustre le président du TA. Cette augmentation a par ailleurs eu pour conséquence « de constituer un véritable levier de modernisation pour la juridiction administrative ».
Le prochain défi organisationnel et procédural réside dans le développement de l’intelligence artificielle dans le contentieux du tribunal. « Nous en sentons déjà les effets et il est urgent, voire vital, que les juges disposent des mêmes armes que les justiciables dans ce domaine où tout va très vite. »
Le tribunal a rendu plus de 19 400 décisions au cours des douze derniers mois sur les plus de 21 600 requêtes enregistrées.
Le second défi est quant à lui sociétal et « plus préoccupant », puisqu’il touche « aux limites de ce que peut faire le juge dans le règlement des différends ». Frédéric Beaufaÿs précise que le juge administratif est souvent sollicité pour trancher des litiges où droit, action publique voire politique s’entremêlent.
Et de constater : « Le fossé se creuse de plus en plus entre l’usager et son administration. » Les défaillances et l’inefficience de l’administration « jugée trop lente ou inerte face à des enjeux pressants », poussent en effet l’usager du service public à recourir au juge administratif, traduisant « de plus en plus souvent une crise de confiance dans la capacité de l’administration à agir efficacement ».
Autant de défis qui n’auront pas empêché le tribunal et ses personnels d’augmenter la capacité de jugement de plus de 14 % et de rendre plus de 19 400 décisions au cours des douze derniers mois. Pour le président, « les digues construites par le tribunal ont tenu cette année ».
Et si cela ne suffit pas à absorber l’augmentation des requêtes enregistrées sur la même période, Frédéric Beaufaÿs se veut néanmoins encourageant : « Dans le contexte actuel, j’estime que c’est un résultat qui reflète une mobilisation sans faille de notre collectif de travail. »
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Le président a également mis en avant la baisse des délais moyens de jugement qui atteignent 8 mois et 14 jours, soit 15 jours de mois au regard de 2024. Devant les formations collégiales, le délai moyen de jugement est actuellement de 18 mois, et de 20 jours devant le juge des référés urgents.
Enfin, le nombre d’affaires en attente d’être jugées depuis plus de deux ans ont diminué de 17 % sur les douze derniers mois. « C’est encore trop, mais nous progressons malgré l’augmentation des entrées. »
Pour Bernard Stirn, la juridiction administrative a gagné la bataille des délais, malgré un accroissement « quelque peu vertigineux » des requêtes enregistrées.
Il souligne entre autres la « remarquable capacité d’évolution et de renouvellement » de la juridiction administrative, qui a été choisie pour expérimenter le nouvel outil de gestion de l’aide juridictionnelle. Une délégation du Conseil d’État sera d’ailleurs accueillie au tribunal le 6 novembre prochain pour examiner les résultats de cette expérimentation avant le déploiement du SIAJ auprès de l’ensemble des sections administratives des bureaux d’aide juridictionnelle.
Le président du tribunal termine son discours avec un souhait, celui de « continuer à servir la loi avec rigueur, à rendre justice conformément au droit et à préserver, en toutes circonstances, la confiance des justiciables ».
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