Les nouvelles mesures de la réforme de la garde à vue entrent en vigueur ce 1er juillet


lundi 1 juillet 20245 min
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Dès aujourd’hui, toute personne en garde à vue a la possibilité de faire appel à un avocat dès le début de la mesure. Les avocats de leur côté peuvent désormais consulter les procès-verbaux d’auditions pendant la garde à vue.

La garde à vue en France connait de nouveaux changements. Afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union européen en matière d’économie, de finances, de droit pénal et social notamment, l’Etat français s’est vu dans l’obligation de réformer certaines dispositions, dont celle qui encadrent la garde à vue sur le territoire français. Une décision motivée par la Commission européenne qui, en 2016 et en 2021, avait mis l’État en demeure, car n’ayant pas transposé en droit national une directive européenne sur la garde à vue.

Le 22 avril 2024, a donc été votée la loi n° 2024-364, publiée au Journal officiel le lendemain, venant modifier le Code de procédure pénale (CPP) pour renforcer les droits des personnes placées en garde à vue, et dont les nouvelles dispositions seront effectives dès ce 1er juillet.

Au titre des premières modifications induites par cette réforme, l’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue. Si l’article 63-2 du CPP permettait à la personne placée en garde à vue de contacter une personne avec laquelle elle vit habituellement, l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et sœurs ou même son employeur, l’article 32 de la loi n° 2024-364 vient modifier le CPP en ajoutant « ou toute autre personne qu’elle désigne ». Autrement dit, il est désormais possible pour un gardé à vue de contacter aussi bien des amis, des collègues ou toute autre personne de confiance, souligne le Conseil national des barreaux (CNB).

Le délai de carence de deux heures supprimé

Autre nouveauté, l’imposition de manière effective d’un avocat dès le début de la garde à vue et tout au long de la mesure, supprimant de fait le délai de carence de deux heures qui, une fois expiré, permettait à l’enquêteur de débuter l’interrogatoire, et ce même sans la présence d’un avocat.

L’article 32 de la loi n° 2024-364 prévoit que « dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la personne peut demander à être assistée par un avocat désigné par elle ou commis d'office. » L’avocat peut notamment être désigné par la ou les personne(s) prévenue(s). Dans le cas où il ne peut être présent dans un délai de deux heures, l’officier de police judiciaire doit alors saisir le bâtonnier pour la désignation d’un avocat commis d’office, et en informer le gardé à vue.

Toutefois, ces nouveaux droits pourront être contournés « dans des circonstances exceptionnelles » pointe le CNB. Comme le prévoit l’article 32 modifiant l’article 63-4-2-1 du Code de procédure pénale, « Le procureur de la République peut, à la demande de l'officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l'audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne. »

Dans ce cas, la personne concernée peut exercer son droit de garder le silence lors de cette audition sans avocat, droit qui devra obligatoirement être rappelé au démarrage de la garde à vue, avertit l’avocat au barreau de Paris Valentin Simmonet.

Dans le cas où l’avocat désigné arrive en cours d’audition, la personne placée en garde à vue peut demander l’interruption de l’audience afin de s’entretenir avec lui. Et comme le rappelle le CNB, la présence de l'avocat peut également toujours être reportée à titre exceptionnel par le procureur de la République selon les conditions prévues par l'article 64-4-2 du code de procédure pénale.

Les procès-verbaux d’audition et de confrontation désormais consultables par l’avocat

Par ailleurs, le droit pour l’avocat d’accéder à de nouveaux documents pendant la garde à vue a été étendu. Une nouvelle dont se réjouit le CNB, qui évoque « une logique de renforcement des droits de la défense efficace ».

S’il pouvait prendre connaissance du procès-verbal établi en application de l’avant-dernier alinéa de l’article 63-1 du CPP constatant la notification du placement en garde à vue et le certificat médical établit, l’avocat peut dorénavant consulter les procès-verbaux d’auditions et de confrontations qui auraient été décidées. Néanmoins, il ne peut toujours pas demander ou réaliser une copie de ces documents, l’article 32 de la loi n° 2024-364 conservant cette limite.

Et si l’organe représentatif des avocats voit dans cette réforme « un pas important vers la modernisation du droit pénal français et le renforcement des droits fondamentaux des personnes placées en garde à vue », bien qu’elle ne permette pas à l'avocat d'avoir accès à l'ensemble du dossier de la procédure dès la garde à vue, Valentin Simmonet relève deux failles.

En effet, si la réforme ouvre droit à la personne placée en garde à vue d’avoir un avocat dès le début de la procédure, il conserve toujours le droit de renoncer à celui-ci. « Nulle doute que les enquêteurs s’engouffreront dans cette brèche pour fortement suggérer au gardé à vue de renoncer à ce droit, en faisant miroiter des mirages », alerte-t-il.

Par ailleurs, le délai de carence pouvant être contourné, l’avocat craint que l’officier de police judiciaire et le procureur soient tentés de recourir « plus ou moins largement » au délai de carence de l’article 63-4-2-1 du CPP.

Les forces de l’ordre vent debout contre la loi du 22 avril 2024

Une appréhension qui pourrait s’avérer, puisque du côté des syndicats de policiers, la colère gronde face aux nouvelles dispositions, qu’ils dénoncent comme une entrave au bon déroulement d’une enquête. Le porte-parole d’Alliance Police Nationale Éric Henry a notamment fustigé une réforme qui « continue de déséquilibrer les droits des mis en cause et des enquêteurs », a-t-il indiqué mi-juin à franceinfo : « Être obligé d'attendre la venue de l'avocat si le gardé à vue le demande, sans possibilité pour l'enquêteur de procéder à une audition ou autre acte, est très dommageable pour l'efficacité de l'enquête. »

Le numéro 2 du syndicat indépendant des commissaires de police Jean-Paul Maigret, de son côté, ne voit pas d’un bon œil l’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue qui pourrait prévenir un complice plutôt qu’un proche, et tout le travail de vérification que cela représente pour les enquêteurs, comme il l’a expliqué au Figaro. Le syndicat de police Synergie-Officiers quant à lui déplore que cette loi « accorde des droits supplémentaires pour les mis en cause ». Autant de dispositions critiquées que les policiers devront toutefois respecter et mettre en application à quelques semaines des Jeux de Paris 2024.

Allison Vaslin

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