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Dès aujourd’hui, toute
personne en garde à vue a la possibilité de faire appel à un avocat dès le
début de la mesure. Les avocats de leur côté peuvent désormais consulter
les procès-verbaux d’auditions pendant la garde à vue.
La garde à vue en France connait
de nouveaux changements. Afin de se mettre en conformité avec le droit de l’Union
européen en matière d’économie, de finances, de droit pénal et social notamment,
l’Etat français s’est vu dans l’obligation de réformer certaines dispositions,
dont celle qui encadrent la garde à vue sur le territoire français. Une
décision motivée par la Commission européenne qui, en 2016 et en 2021, avait
mis l’État en demeure, car n’ayant pas transposé en droit national une
directive européenne sur la garde à vue.
Le 22 avril 2024, a donc été
votée la loi n° 2024-364, publiée au Journal officiel le lendemain,
venant modifier le Code de procédure pénale (CPP) pour renforcer les droits des
personnes placées en garde à vue, et dont les nouvelles dispositions seront
effectives dès ce 1er juillet.
Au titre des premières
modifications induites par cette réforme, l’élargissement du cercle des
personnes pouvant être prévenues par le gardé à vue. Si l’article 63-2 du CPP
permettait à la personne placée en
garde à vue de contacter une
personne avec laquelle elle vit habituellement, l'un de ses parents en ligne
directe, l'un de ses frères et sœurs ou même son employeur, l’article 32
de la loi n° 2024-364 vient modifier le CPP en ajoutant « ou toute
autre personne qu’elle désigne ». Autrement dit, il est désormais
possible pour un gardé à vue de contacter aussi bien des amis, des collègues ou
toute autre personne de confiance, souligne le Conseil national des barreaux
(CNB).
Le délai de carence de deux
heures supprimé
Autre nouveauté, l’imposition
de manière effective d’un avocat dès le début de la garde à vue et tout au long
de la mesure, supprimant de fait le délai de carence de deux heures qui, une
fois expiré, permettait à l’enquêteur de débuter l’interrogatoire, et ce même
sans la présence d’un avocat.
L’article 32 de la loi
n° 2024-364 prévoit que « dès le début de la garde à vue et à tout moment au cours de celle-ci, la
personne peut demander à être assistée par un avocat désigné par elle ou commis
d'office. » L’avocat
peut notamment être désigné par la ou les personne(s) prévenue(s). Dans le cas
où il ne peut être présent dans un délai de deux heures, l’officier de police
judiciaire doit alors saisir le bâtonnier pour la désignation d’un avocat
commis d’office, et en informer le gardé à vue.
À lire aussi : Votée en
commission mixte paritaire, la nouvelle réforme de l’ordonnance de protection
questionne
Toutefois,
ces nouveaux droits pourront être contournés « dans des circonstances
exceptionnelles » pointe le CNB. Comme le prévoit l’article 32
modifiant l’article 63-4-2-1 du Code de procédure pénale, « Le
procureur de la République peut, à la demande de l'officier de police
judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder
immédiatement à l'audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations
si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour
éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure
pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à
l'intégrité physique d'une personne. »
Dans
ce cas, la personne concernée peut exercer son droit de garder le silence lors
de cette audition sans avocat, droit qui devra obligatoirement être rappelé au
démarrage de la garde à vue, avertit l’avocat au barreau de Paris Valentin
Simmonet.
Dans
le cas où l’avocat désigné arrive en cours d’audition, la personne placée en
garde à vue peut demander l’interruption de l’audience afin de s’entretenir
avec lui. Et comme le rappelle le CNB, la présence de l'avocat peut
également toujours être reportée à titre exceptionnel par le procureur de la
République selon les conditions prévues par l'article
64-4-2 du code de procédure pénale.
Les
procès-verbaux d’audition et de confrontation désormais consultables par
l’avocat
Par ailleurs, le droit pour
l’avocat d’accéder à de nouveaux documents pendant la garde à vue a été étendu.
Une nouvelle dont se réjouit le CNB, qui évoque « une logique de
renforcement des droits de la défense efficace ».
S’il pouvait prendre
connaissance du procès-verbal établi en application de l’avant-dernier alinéa
de l’article 63-1 du CPP constatant la notification du placement en garde à vue
et le certificat médical établit, l’avocat peut dorénavant consulter les
procès-verbaux d’auditions et de confrontations qui auraient été décidées.
Néanmoins, il ne peut toujours pas demander ou réaliser une copie de ces
documents, l’article 32 de la loi n° 2024-364 conservant cette limite.
Et si l’organe représentatif
des avocats voit dans cette réforme « un pas important vers la modernisation du
droit pénal français et le renforcement des droits fondamentaux des personnes
placées en garde à vue », bien qu’elle ne permette pas à l'avocat d'avoir
accès à l'ensemble du dossier de la procédure dès la garde à vue, Valentin
Simmonet relève deux failles.
En effet, si la réforme ouvre droit à la personne
placée en garde à vue d’avoir un avocat dès le début de la procédure, il
conserve toujours le droit de renoncer à celui-ci. « Nulle doute que
les enquêteurs s’engouffreront dans cette brèche pour fortement suggérer au
gardé à vue de renoncer à ce droit, en faisant miroiter des mirages »,
alerte-t-il.
Par ailleurs, le délai de carence pouvant être
contourné, l’avocat craint que l’officier de police judiciaire et le procureur
soient tentés de recourir « plus ou moins largement » au délai
de carence de l’article 63-4-2-1 du CPP.
Les forces de l’ordre vent
debout contre la loi du 22 avril 2024
Une appréhension qui pourrait
s’avérer, puisque du côté des syndicats de policiers, la colère gronde face aux
nouvelles dispositions, qu’ils dénoncent comme une entrave au bon déroulement
d’une enquête. Le porte-parole d’Alliance Police Nationale Éric Henry a
notamment fustigé une réforme qui « continue de déséquilibrer les
droits des mis en cause et des enquêteurs », a-t-il indiqué mi-juin à franceinfo :
« Être obligé d'attendre la venue de l'avocat si le gardé à vue le
demande, sans possibilité pour l'enquêteur de procéder à une audition ou autre
acte, est très dommageable pour l'efficacité de l'enquête. »
Le numéro 2 du syndicat
indépendant des commissaires de police Jean-Paul Maigret, de son côté, ne voit
pas d’un bon œil l’élargissement du cercle des personnes pouvant être prévenues
par le gardé à vue qui pourrait prévenir un complice plutôt qu’un proche, et
tout le travail de vérification que cela représente pour les enquêteurs, comme
il l’a expliqué au Figaro. Le syndicat de police Synergie-Officiers
quant à lui déplore que cette loi « accorde des droits supplémentaires
pour les mis en cause ». Autant de dispositions critiquées que les
policiers devront toutefois respecter et mettre en application à quelques
semaines des Jeux de Paris 2024.
Allison
Vaslin
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