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L’ex-bâtonnier de l’Essonne Laurent Caruso intervenait, ce 3 octobre, au collège Jules Verne de Villebon-sur-Yvette. Deux classes de 4e participaient ainsi à leur manière à la Journée du droit, dont l’objectif était de « sensibiliser les élèves aux grands principes du droit ».
Maître Caruso a quitté la robe noire et l’architecture bétonnée du tribunal judiciaire d’Evry pour une simple veste sombre et les murs colorés d’une des salles de classe de cet établissement du Nord Essonne, qu’on devine à peine au milieu de la forêt de petits pavillons qui l’entoure. Ce matin-là, il ne s’adresse pas à des juges, mais à deux classes de 4e. Son intervention a lieu devant 36 élèves. « J’ai l’habitude de ce public », précise-t-il avant les premiers échanges. Avocat pénaliste spécialiste des mineurs, Maître Caruso n’est effectivement pas en terre inconnue.
Pendant deux heures, chaque classe qui participe à la Journée du droit accueille ainsi un ou une avocate « pour un échange pratique et interactif autour de la liberté d’expression », précise le Conseil national des barreaux, qui porte ce dispositif avec l’association Initiadroit. C’est l’occasion pour les collégiens « de mieux comprendre leurs droits et responsabilités dans une société démocratique », indique le CNB. En complément, les collégiens apprendront aussi à connaître le tribunal judiciaire d’Evry, dont la visite est prévue les jours suivants.
Les questions des élèves fusent, en toute candeur, et le thème choisi – la liberté d’expression – s’envole bien vite au profit d’interrogations bien plus terre à terre. Le tout au milieu d’une actualité judiciaire chargée – quelques jours avant, une violente agression qui a conduit à la mort d’un jeune de 18 ans à la gare routière d’Evry-Courcouronnes. « Quelles études faut-il faire pour être avocat ? », « Combien vous gagnez ? » « Vous avez déjà été corrompu ? »
« Ces questions ne me dérangent pas », précise Laurent Caruso, alors que quelques rires gênés suivent ces interventions spontanées. Avec patience (la question du salaire reviendra à plusieurs reprises pendant la matinée), il répond : le fonctionnement et la rémunération des professions libérales, le concours du barreau, la déontologie et les valeurs propres au métier d’avocat, les grandes lignes y passent. « Si quelqu’un n’a pas les moyens pour me payer, je lui conseille de ne pas faire appel à moi », précise l’avocat.
« Quelle a été votre affaire la plus marquante ? », demande une élève. « L’affaire du tueur de l’Essonne », répond l’avocat. Les collégiens de Jules Verne sont trop jeunes pour avoir suivi cette affaire de meurtres en série, commis par Yoni Palmier, qui a marqué le département entre 2011 et 2012, et pour laquelle Laurent Caruso était avocat de la défense. Il raconte à sa jeune audience ce fait divers hors-normes et le parcours de ce « tueur à moto » qui frappait ses victimes au hasard.
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Laurent Caruso en profite aussi pour expliquer quelques notions qui, même pour les enseignants présents ce jour-là, restent floues : la commission d’office, l’indépendance, le secret professionnel.
« Vous avez déjà menti pour un client ? » ; « Vous avez déjà défendu quelqu’un en sachant qu’il était coupable ? », lancent des élèves. Laurent Caruso, encore une fois, ne s’émeut pas de la sincérité avec laquelle le public accueille son intervention. Montrant sa carte d’avocat aux élèves, il rappelle à nouveau les valeurs fondamentales de sa profession : « dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ». Ce sont ces valeurs qui l’ont aussi poussé dans cette voie : « J’avais envie de défendre les gens », explique-t-il. « Pensez-vous que chacun a le droit d’être défendu ? » relance-t-il. Plusieurs mains timides se lèvent. Certains marquent leur désapprobation.
« Est-ce qu’un avocat peut refuser un dossier parce que le crime ne peut pas être défendu ? », demande l’un des collégiens. Laurent Caruso répond, et insiste à nouveau sur l’indépendance propre aux avocats et qui lui tient tant à cœur. Oui, on peut refuser un client ou arrêter une collaboration si elle ne se passe pas bien. « Il est arrivé que des gens me manquent de respect, et j’ai décidé de ne plus les représenter. » Toujours est-il que pour certains encore, et même pour les adultes de la salle, le concept de défendre des criminels est encore difficile à concevoir. « Drôle de métier », commente une enseignante.
Laurent Caruso parle aussi des spécificités du 91 : les affaires de violences, « très nombreuses », le trafic de stupéfiants. « Avant ce matin, je pensais qu’un avocat était quelqu’un qui aidait ses clients à prouver qu’ils avaient raison », relate Yanis, assis au 1er rang. « C’est plutôt une bonne définition », sourit Laurent Caruso.
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