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Le 5 septembre dernier, le garde des Sceaux annonçait, sur les réseaux sociaux, son intention de modifier le règlement intérieur de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) pour y interdire les « tenues à connotation religieuse ». Dans le viseur de Gérald Darmanin : le port du voile. Une mesure dont la portée et l’opportunité interrogent.
Après la question du voile dans le sport sur laquelle Gérald Darmanin avait pris position, jusqu’à menacer de démissionner, le ministre de la Justice chasse sur ses terres un symbole visiblement très allergisant.
« La laïcité doit être protégée et confortée partout dans notre société. Cela doit aussi être le cas dans les lieux qui forment ceux qui feront la justice de demain. C’est pourquoi le règlement intérieur de l’École nationale de la magistrature (ENM) est modifié afin qu’aucune tenue à connotation religieuse ne soit acceptée. La neutralité des futurs magistrats doit être indiscutable », avait expliqué le garde des Sceaux dans une déclaration publiée sur le réseaux social X, le 5 septembre dernier. Information généreusement relayée par les médias d’extrême-droite, CNEWS la première.
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D’après un document du ministère de la Justice auquel elle a eu accès, la chaîne affirme que la modification du règlement intérieur à l’ENM fait suite « à la présence depuis deux ans d’élèves portant des tenues à caractère religieux, notamment le voile islamique ».
« Par ailleurs, certains élèves auraient souhaité poser dans cette tenue sur des photos avec le ministre de la Justice lors d’une de ses visites au sein de l’établissement », ce que la place Vendôme confirme, sans préciser quand a eu lieu l’événement.
Le 7 septembre, le changement est publié au Journal officiel : « Au sein des locaux de l’école, une tenue conforme aux devoirs de dignité et de neutralité est exigée des personnes soumises au présent règlement. »
Et dans les murs de l’ENM, on s’étonne. « Nous sommes tombés des nues, témoigne une source interne à l’école que le JSS a pu contacter. Le principe de neutralité s’applique à tous et toutes au sein de l’ENM, personne ne porte le voile dans l’enceinte de l’école ».
Les auditeurs de justice et les personnels, relevant du statut de la fonction publique, sont effectivement soumis à ce principe qui leur interdit de porter un signe, notamment vestimentaire, destiné à marquer une appartenance à une religion, confirme Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats (USM), organisation qui siège au conseil d’administration de l’ENM. Si visiblement, personne ne déroge à cette règle dans l’enceinte de l’école, à qui donc s’adresse cette interdiction ?
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Elle concerne en fait les étudiants des classes « Prépas Talents », travaillant au concours de recrutement des auditeurs de justice, qui sont ponctuellement amenés à se rendre dans les locaux, rue des Frères Bonie à Bordeaux, ou rue Chanoinesse à Paris, pour suivre des cours. Externes, ils n’étaient jusque-là pas tenus à la même « réserve » que les auditeurs de justice. Ce sont visiblement eux qui se sont livrés à une séance-photo auquel le garde des Sceaux n’a semble-t-il pas goûté.
Réaction de l’école : « Plutôt que de viser les étudiants concernés, il a été décidé de changer le règlement intérieur pour que la mesure soit applicable à tous et toutes et pour rationnaliser tout ça », explique Ludovic Friat, qui invoque aussi des questions d’image. « Cela posait question à certains personnels de l’ENM, et renvoyait une vision compliquée à l’extérieur et aux médias », fait savoir le président de l’USM.
Version confirmée par le ministère de la Justice qui précise que c’est la direction de l’école elle-même, et non le ministère, qui a initié cette modification du règlement intérieur.
Le 16 juin dernier, le conseil d’administration de l’Ecole nationale de la magistrature prend donc une délibération pour acter le changement de règles et l’extension du principe de neutralité aux classes « Prépas Talents ». Mais l’arrêté, lui, n’est pris et annoncé par Gérald Darmanin que le 5 septembre.
Pour la rentrée scolaire, ou pour la rentrée politique ?, s’interroge une source au sein de l’ENM, qui rappelle « la course à l’échalote » lancée début septembre avec la chute annoncée de François Bayrou. Un moment opportun « pour se montrer plus à droite que Bruno Retailleau », raille-t-elle.
De son côté, le porte-parolat du ministère dément tout « timing politique », invoquant l’arrivée de l’été et les validations nécessaires à la production de l’arrêté.
Et confirme que cette directive pourrait s’appliquer aux autres écoles du ministère de la Justice « si besoin » : l’Ecole nationale des greffes, l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire et l’Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse.
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