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Une proposition de loi (PPL) vient d’être déposée au Sénat pour réduire les retards de paiement, fléau qui pèse principalement sur les TPE, PME et ETI. Face à la hausse annoncée des défaillances en 2025, « il y a urgence à légiférer » pour sanctionner et dissuader « les mauvais payeurs », estime Olivier Rietmann, sénateur à l’origine du texte.

« C’est démontré : les retards de paiement ont un impact sur les défaillances d’entreprise. » Le mercredi 12 novembre, « après une quinzaine d’auditions », le sénateur Olivier Rietmann a déposé une proposition de loi visant à réduire les retards de paiement qui fragilisent le tissu économique, tout particulièrement celui des petites entreprises.
Ce risque n’est pas à minorer, estime celui qui est aussi président de la délégation aux entreprises du Sénat. « En hausse de 10 % en 2024 par rapport à la moyenne pré-COVID (entre 2010 et 2019), 69 000 défaillances d’entreprise sont annoncées en 2025. Or, les retards de paiement augmentent de 25 % ce risque et même de 42 % lorsqu’ils dépassent 60 jours ! », alerte l’élu dans un communiqué, qui s’appuie sur l’Observatoire des délais de paiement 2024 de la Banque de France.
Dans son dernier rapport, l’institution monétaire avait révélé que le non-respect des délais de paiement avait privé les PME de 15 milliards d’euros de trésorerie supplémentaire l’année dernière.
Selon la Banque de France, ces retards constituent un transfert de trésorerie des TPE, PME et ETI au profit des grandes entreprises, à l’origine de plus de 70 % du total des retards de paiement. Seules 50 % d’entre elles respectent aujourd’hui les délais de paiement. Viennent ensuite les acteurs publics – État, collectivités territoriales, administrations publiques – responsables pour un tiers du total des retards de paiement.
Face à ce fléau qui s’est intensifié en 2024 selon la Banque de France, l’Union européenne avait déjà préparé une offensive. À l’initiative du Commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, Bruxelles avait dévoilé en 2023 une proposition de règlement « concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales ». « Mais il ressort d’un certain nombre de nos auditions que ce règlement européen n’est pas près de sortir, donc ça vaut vraiment le coup de légiférer », estime Olivier Rietmann.
« Chacun doit prendre ses responsabilités pour ne pas fragiliser davantage nos TPE et PME. Les amendes doivent être plus dissuasives et les acheteurs publics doivent être exemplaires ».
Ce que vise l’article 1er de la proposition de loi.
En l’état du droit, l’amende administrative maximale que peut prononcer la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour manquement aux délais légaux est de 2 millions d’euros pour une personne morale. « Désormais, elle pourra atteindre jusqu’à 1% du chiffre d’affaires mondial consolidé », détaille Olivier Rietmann. Une piste qui avait été poussée à l’été 2025 par l’ancienne ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des PME Véronique Louwagie, et l’ancien Premier ministre, François Bayrou.
Avec cette nouvelle disposition, la moisson de la DGCCRF pourrait donc s’avérer bien plus élevée et dissuasive : « L’autorité nous a indiqué que sur la dernière amende infligée à hauteur de 1 950 000 euros, elle aurait pu monter à 6, 7 voire 8 millions d’euros s’il n’y avait pas eu le plafond, et ce, sans menacer la pérennité de la grande entreprise incriminée. Il y a donc de la marge. »
La proposition de loi prévoit par ailleurs un doublement de l’amende non plus sur 2 ans, mais sur 3 ans, en cas de récidive. Un délai allongé qui « laisse le temps à la DGCCRF de pouvoir constater la réitération d’un retard de paiement et qui permet d’inclure 90 % des cas de récidive », explique Olivier Rietmann.
L’article 2 s’attaque quant à lui à la lenteur des paiements dans la commande publique. Car « si l’État affiche globalement des délais raisonnables, la situation est plus contrastée dans les établissements publics de santé, avec une moyenne de 63,4 jours de paiement, les collectivités territoriales ou dans les départements d’outre-mer, où les délais moyens peuvent atteindre, voire dépasser, 120 jours », peut-on lire dans l’exposé des motifs.
Pour y remédier, la PPL précise le point de départ légal des délais de paiement : il est prévu qu’il court désormais dès le dépôt de la facture en ligne. « La facturation électronique permet ce contrôle », se félicite l’élu. « Cela doit permettre de mettre fin aux pratiques de certaines collectivités qui ont pris l’habitude de rejeter, avant même de les ouvrir, une masse de facture .»
Autre disposition majeure : le texte prévoit l’interdiction du renoncement aux pénalités de retard, que les petites entreprises sont « très réticentes » à appliquer par peur d’une rupture de leur relation commerciale avec l’entreprise débitrice. Avec cette disposition, la loi empêche de facto toute entreprise de renoncer à son dû, « libérant ainsi les entrepreneurs du poids de cette responsabilité », fait valoir le sénateur.
Enfin, l’article 3 instaure un fonds public d’affacturage permettant aux micro-entreprises et PME d’obtenir un paiement rapide, « quand un retard de paiement public représente plus de 30 % de leur chiffre d’affaires ». Ce fonds se retournera ensuite vers les acheteurs publics en retard afin de récupérer les sommes payées aux TPE et PME. « C’est un cycle vertueux pour l’économie qui n’aggrave pas les charges des collectivités territoriales », précise Olivier Rietmann.
Ce fonds doit être financé, dans un premier temps, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, avant d’être abondé par des pénalités moratoires.
« Il ne faut pas traîner », estime le sénateur qui souhaite voir son texte examiné en priorité, « dès le début de l’année 2026 ». Pour une mise en application au plus tard, au 1er janvier 2027.
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