En 2017, l’Autorité de la concurrence a rendu 40 fois plus d’avis


lundi 24 septembre 20186 min
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Son année a été chargée : en 2017, l’Autorité de la concurrence a rendu pas moins de 605 décisions et avis, indique-t-elle dans son rapport d’activité annuel, soit deux fois plus que l’année précédente, notamment en raison d’une explosion des avis en matière de régulation des professions réglementées (augmentation due à la mise en œuvre de la carte des créations d’offices de notaires), et toujours autant de décisions en matière d’opérations de concentration.


 


Sur plus de 600 décisions et avis rendus cette année, l’Autorité est principalement intervenue dans les secteurs des médias et de la culture, des produits de grande consommation et de distribution, ou encore dans le secteur des services et des transports, peut-on lire dans son rapport d’activité édition 2017. Si son activité s’est avérée intense, l’institution ne manque d’ailleurs pas à cet égard de se féliciter de la baisse du nombre de dossiers en stock au 31 décembre 2017, au nombre de 132 (11 de moins qu’au 1er janvier 2017), niveau le plus bas depuis sa création.


 


304 avis sur des demandes individuelles de création d’office


Comme le rapport l’indique, l’Autorité de la concurrence a été sollicitée à 21 reprises en 2017, dont sept fois sur le fondement de l’article L. 462-1 du Code de commerce, qui prévoit qu’elle peut être consultée sur toute question de concurrence par le gouvernement, les commissions parlementaires, les collectivités territoriales, les organisations professionnelles, syndicales, de consommateurs, les chambres de commerce, d’agriculture et de métiers ; et six fois sur le fondement de l’article L. 462-2, qui prévoit qu’elle est obligatoirement consultée sur les projets de texte réglementaires restreignant la concurrence.


Suite à ces sollicitations, l’autorité a rendu 15 avis « classiques », parmi lesquels trois avis rendus à l’Arcep (L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est une autorité administrative indépendante chargée de réguler les communications électroniques et les postes en France) dans le cadre de l’analyse des marchés de gros de télécommunications. Par ailleurs, trois avis ont également été rendus sur des projets de texte en matière de professions réglementées, auxquels s’ajoutent 304 avis sur des demandes individuelles de création d’office dans les 60 zones orange définies par la carte des créations d’offices de notaires, entrée en vigueur par application d’un arrêté conjoint des ministres de la Justice et de l’économie du 16 septembre 2016. Avec ce chiffre considérable, le nombre d’avis portant sur les professions réglementées a ainsi été multiplié par 40 en l’espace d’un an.




Opérations de concentration : 96 % d’autorisations sans conditions depuis 2009


L’une des activités principales de l’Autorité de la concurrence consistant à rendre des décisions relatives à des opérations de concentration, cette dernière souligne en avoir rendu plus de 1 700 en huit ans. D’autant que pour 96 % des opérations, un feu vert a été donné sans conditions, tandis que 4 % des opérations ont été soumises à conditions, et qu’aucune décision d’interdiction n’a été émise, dans une « volonté de l’institution d’accompagner le développement des entreprises tout en s’assurant que les concurrents, clients, fournisseurs et consommateurs continuent à bénéficier des effets d’un marché animé en prix, qualité et innovation », explique-t-elle.


L’an passé, l’autorité a ainsi reçu 252 notifications d’opérations de concentration, en légère hausse par rapport à l’année précédente, dont deux opérations renvoyées par la Commission européenne en application du règlement relatif au contrôle des concentrations : la prise de contrôle exclusif du groupe MédiPôle Partenaires par le groupe Elsan, et la création d’une entreprise commune par les sociétés La Poste et Suez RV France.


Sur le total des notifications, 236 décisions relatives à des opérations de concentration ont été rendues, là encore un chiffre en légère hausse, « toutes en phase 1 », donc au terme d’un examen rapide. Parmi elles, on relève notamment une décision autorisant la prise de contrôle exclusif des sociétés Bricorama France SAS, Bricorama Méditerranée SL et Bricorama Asia LTD par la société ITM Équipement de la Maison, sous réserve de la mise en œuvre d’engagements, et une décision autorisant la prise de contrôle exclusive de la société Totalgaz SAS par la société UGI Bordeaux Holding SAS. Par ailleurs, donnée marquante, près de la moitié des décisions rendues ont concerné le commerce de détail. Une prédominance qui « s’explique par l’abaissement des seuils de contrôlabilité dans le secteur », affirme l’Autorité. La grande majorité des décisions en la matière (soit 102 décisions) concerne ainsi le commerce de détail à dominante alimentaire et de distribution automobile.

 


De moins en moins d’affaires retenues au titre des enquêtes


Fait constant, au titre de son activité contentieuse, l’Autorité de la concurrence, habilitée à détecter les pratiques anticoncurrentielles et à prendre des décisions statuant sur les faits, peut mener des enquêtes l’amenant à se saisir d’office, mais elle peut également être saisie par les entreprises, organismes ou autorités extérieurs – en grande majorité par des entreprises.


Sur les projets d’enquête en eux-mêmes, le ministre de l’Économie doit présenter au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence les enquêtes qu’il envisage de mener sur des faits relevant du Code de commerce. Au sein des services d’instruction de l’Autorité, c’est le service Investigations qui est chargé d’examiner ces projets. Le rapporteur général a ensuite un mois pour décider d’en prendre la direction ou d’en laisser la réalisation aux services du ministre, et, à défaut de réponse dans les délais, la DGCCRF peut procéder elle-même aux investigations. On note à ce sujet que sur 87 affaires transmises, 82 affaires n’ont pas été retenues, alors que seulement cinq d’entre elles l’ont été. Si le nombre d’affaires transmises sensiblement a varié ces dernières années (entre 72 et 99 depuis 2012), c’est la première fois que, proportionnellement, aussi peu sont retenues. On observe même que le chiffre accuse une baisse constante d’année en année. À titre de comparaison, en 2012, avec un même nombre d’affaires transmises, (87), l’autorité en avait retenu 23.


A contrario, le rapport souligne une progression du nombre de rapports d’enquête – le rapporteur général devant être informé du résultat des enquêtes menées par les services du ministre –, puisqu’en 2017, le nombre de rapports pris en charge par l’Autorité de la concurrence est passé de 18,75 % à 31,81 %.

 


497 millions d’euros de sanctions en 2017


Quant au nombre de décisions contentieuses en lui-même, ce dernier s’affiche à 49 décisions, en légère baisse par rapport à 2016. En 2017, l’Autorité de la concurrence a ainsi prononcé neuf décisions de sanction pour un montant total de plus de 497 millions d’euros. Ce montant est constitué principalement de trois décisions : la décision sanctionnant SFR à hauteur de 40 millions d’euros pour ne pas avoir respecté ses engagements relatifs au contrat « faber » (déploiement fibre optique) ; la décision sanctionnant Engie à hauteur de 100 millions d’euros pour avoir abusé de sa position dominante en s’appuyant notamment sur son fichier historique pour convertir ses clients aux tarifs réglementés du gaz à des offres de marché de gaz et d’électricité ; et la décision sanctionnant pour entente à hauteur de 302 millions d’euros les trois principaux fabricants de revêtements de sols en PVC et linoléums. Concernant cette dernière décision, il s’agit de relever que l’Autorité de la concurrence a sanctionné pour la première fois une pratique d’entente ayant porté sur une politique de communication neutralisant les différences de performance environnementale des produits. « L’Autorité a indiqué qu’elle n’entendait plus, désormais, prendre en compte de façon générale les engagements relatifs à la mise en place de programmes de conformité pour justifier des diminutions de sanction, s’agissant de grandes entreprises ayant développé des pratiques d’entente à fort caractère de gravité. Elle a en effet estimé que les entreprises devaient, dans leur propre intérêt, mettre en œuvre de tels programmes, qui ont vocation à figurer parmi les outils normaux de gestion des entreprises, particulièrement les plus grandes d’entre elles », ajoute Isabelle de Silva, sa présidente.


À retenir également que pour la première fois cette année, l’Autorité a sanctionné une entreprise pour avoir enfreint les dispositions du V de l’article L. 464-2
du Code de commerce, en faisant obstruction à l’instruction d’un dossier portant sur des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des produits chimiques : l’Autorité a notamment estimé que ces « comportements graves » avaient « entravé le déroulement de l’instruction, empêchant celle-ci d’aboutir ».


Par ailleurs, si les abus de position dominante concernent la moitié des décisions de sanctions prononcées, ils ne représentent que 25 % du montant des sanctions prononcées, contre 60 % pour les ententes.


 


Bérengère Margaritelli


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