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Exclus des legs successifs ou en usufruit, puisque dépourvus de personnalité juridique, les animaux de compagnie peuvent être désignés légataires dans le cadre d’une libéralité avec charge. Autrement, le droit devra de nouveau évoluer tant sur le plan fiscal que civil. Le 3 décembre dernier, notaire, professeur et doctorant ont imaginé ce qui incomberait aux législateurs si l’animal devenait un héritier à part entière.

Peut-on faire de son animal de compagnie son héritier ? C’est cette interrogation qui a animé les échanges lors de la conférence éponyme le 3 décembre dernier, à la Chambre des notaires de Paris.
« Cette question de l’animal héritier est une question sensible sur le plan juridique, car elle conduit à s’interroger sur la condition juridique de l’animal », a dans un premier temps souligné Hugues Fulchiron, Conseiller SE à la Cour de cassation et modérateur de la conférence.
Car bien que l’animal ait été reconnu comme un être doué de sensibilité par l’introduction dans le Code civil de l’article 514-4 en 2015, il ne possède aucune personnalité juridique et ne peut de surcroît être le bénéficiaire direct d’une libéralité, a complété le professeur de droit privé à l’université de Poitiers Fabien Marchadier.
C’était d’ailleurs toute la question de savoir comment Choupette, la chatte sacré de Birmanie du défunt couturier Karl Lagerfeld, s’est retrouvée avec la coquette somme de 3 millions d’euros, selon les estimations. Si le testament n’a pas pu être consulté, le docteur en droit Richard Vessaud imagine, de ce qu’il a compris, que le couturier a gratifié l’un de ses anciens employés de maison d’une certaine somme ainsi que d’un bien immobilier, leg qui se serait retrouvé grevé d’une charge, une possibilité du droit français.
En effet, l’animal ne pouvant hériter directement peut se voir gratifier indirectement par le truchement d’une libéralité avec charge, a ajouté le docteur en droit. Mais encore faut-il correctement la définir et la formuler. « Il est nécessaire, pour rédiger une charge suffisamment efficace, d’employer un vocabulaire qui soit coercitif, c’est-à-dire que l’on doit sentir une manifestation de volonté d’obliger le gratifié d’exécuter des obligations », a-t-il ensuite expliqué.
Mais pour que la charge soit exécutable et que son cadre d’exécution soit déterminé, « il faut que le disposant ait pris soin de la délimiter », a-t-il encore martelé. « Le simple fait de dire que l’on veut entretenir un animal est insuffisant, car dans le cadre d’un contentieux en exécution ou dans le cadre en inexécution, il sera impossible de déterminer quel est l’objet de la charge », a illustré Richard Vessaud. D’où l’importance d’établir un objet qui ne soit ni trop large… ni trop précis.
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Dans le cas où un testateur expliciterait la charge selon laquelle son animal doit être nourri avec des croquettes de qualité d’une certaine marque, « le grevé se trouverait en grande difficulté si le fabricant venait à faire faillite ». Pourraient alors être envisagés la révocation ou l’aménagement des contours de la charge. Une situation délicate que seuls les juges du fond pourraient trancher, a détaillé le doctorant.
Autre point de vigilance, la désignation du bénéficiaire de la charge qu’il conviendra soit d’identifier précisément, ou « à tout le moins qu’il soit identifiable comme en matière de libéralité ».
Néanmoins, ce recours à un leg avec charge pose la problématique de la valorisation financière de la charge, « grande difficulté en droit français puisqu’aucun cadre légal ne permet d’y procéder sereinement », a avancé Richard Vessaud. Un problème « absolument terrible » de l’avis du doctorant, car s’il est possible, sur le plan civil, de déduire le montant de la charge de l’émolument reçu, il est impossible de le faire sur le plan fiscal, venant alors diminuer l’indemnité de rapport et l’indemnité de réduction « si d’aventure il y en a une ».
Mais quid de l’animal qui se verrait conférer une personnalité juridique par le législateur ? De quelles dispositions testamentaires pourrait-il profiter ? s’est rhétoriquement interrogé Pierre Dauptain, notaire dans le Val-de-Marne et essayiste.
« Comme pour tout leg, si le testateur a des héritiers réservataires, descendants ou conjoints, les dispositions prises en faveur de l’animal devront entrer dans le cadre de la quotité disponible de la part de patrimoine dont on a le droit de disposer », a de prime abord expliqué le notaire. À l’inverse, en l’absence d’héritier réservataire, aucune limite d’assiette du leg ne sera imposée.
Un leg universel en pleine propriété pourrait aussi être envisagé sans que les biens légués puissent revenir aux héritiers de l’animal lorsqu’il mourra. « Le testataire aura alors conscience qu’à la mort de son favori, son patrimoine reviendra à l’État », a pointé le notaire.
Le testataire peut également se tourner vers le leg successif qui permet une transmission de patrimoine sur plusieurs générations d’héritiers et appelle donc la désignation d’un légataire en second qui héritera de l’animal lorsque ce dernier décèdera. « Le légataire en second devra alors attendre patiemment la mort de l’animal pour recevoir son leg. Il va de
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