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Avec un budget qui a progressé de 44 % depuis 2017 pour s’établir à 716 millions d’euros en 2024, le rapport « Maîtrise des frais de justice » préconise des efforts d’optimisation de ces dépenses en réduisant les stocks de gardiennage de véhicules et en misant sur le déploiement de la procédure pénale numérique qui permettrait de générer l’identifiant de dossier judiciaire et ainsi « avoir une meilleure connaissance des dépenses ».

Préconiser des réformes structurelles pour une maîtrise « accrue » des dépenses liées aux frais de justice. Telle était la mission confiée à l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale de l’administration (IGA) et l’Inspection générale de la Justice (IGJ) par une lettre du 4 décembre 2024 du Premier ministre d’alors, Michel Barnier.
Dans un rapport de mai dernier rendu public ce 28 octobre, les trois entités dressent tout d’abord un état des lieux des frais de justice pour 2024, lesquels correspondent aux dépenses de différentes natures à la charge définitive ou provisoire de l’État, engagées au cours d’une procédure pénale ou au cours de procédures civiles et commerciales, rappelle le rapport.
Premier constat, ces dépenses ont augmenté de l’ordre de 44 % en sept ans à partir de 2017. Une hausse plus rapide que l’ensemble du programme 166 (justice judiciaire) avec +40 %, mais moins que l’ensemble du budget du ministère (+ 59 %), soulignent l’IGF, l’IGA et l’IGJ.
Le montant des frais de dépenses pour 2024 s’établit à 716 millions d’euros, soit 11 % du budget du ministère de la Justice. La dette dite « économique » liées aux prestations réalisées mais non payées aux prestataires s’élève quant à elle à 318 millions d’euros fin 2024.
Pour les trois entités, l’accroissement des prescriptions génératrices de frais de justice ne peut s’expliquer par l’augmentation de l’activité judiciaire en matière pénale, puisque le nombre d’affaires poursuivables s’oriente à la baisse depuis 2020 (1 240 contre 1 183 en 2024).
Ce phénomène s’expliquerait plutôt en partie par « les effets de la complexification des enquêtes, justifiant une multiplicité accrue d’actes, au développement de nouvelles technologies plus coûteuses, de revalorisation de certaines prestations tarifées, et d’orientation de politique pénale », avance le rapport.
Mais comment réduire ces dépenses ? À défaut de modifier la loi puisque des actes générateurs de frais de justice sont pour certains obligatoires, les trois entités ont formulé 20 propositions qui permettraient à la fois de générer des économies et d’apurer la dette économique.
Parmi les dépenses les plus importantes, celles liées aux analyses et expertises médicales qui représentent 26 % des frais de 2024 (soit plus de 186 millions d’euros). Il est à noter que « le segment de la “médecine légale” n’est pas ici analysé », est-il par ailleurs précisé.
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En matière d’expertises psychiatriques, acte obligatoire en application du Code de procédure pénale (CPP), l’IGF, l’IGA et l’IGJ préconisent d’envisager « une gradation des tarifications pour tenir compte de la complexité de l’analyse demandée, en distinguant les expertises “simplifiées” dites de niveau 1 de [celles] dites de niveau 2 ». Une nouvelle tarification qui pourrait permettre de générer plus de 4,4 millions d’euros d’économie.
Les trois entités vont plus loin encore en recommandant l’internalisation de certaines prestations, en poursuivant les efforts en faveur d’un recours maximal à la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) pour les prestations d’interceptions comme de géolocalisations, qui représenteraient une économie de 30 millions d’euros.
Les frais des scellés gardiennages de véhicules représentent près de 7 % de l’enveloppe de 2024. Un sujet qui fait l’objet de deux recommandations par IGF, IGA et l’IGJ, lesquelles, plutôt que de réviser les tarifs, préconisent de renforcer les objectifs de réduction des stocks, en passant de 30 à 40 % de réduction. « Compte tenu du niveau actuel du tarif fixé déjà bas et objet de revendications de la profession, il est préférable d’agir sur la durée au cours de laquelle le véhicule est conservé en stock », est-il justifié dans le rapport.
Le déploiement d’un logiciel ministériel dédié au suivi et à la gestion des véhicules en gardiennage après adaptation du système d’information des fourrières est également avancé. Une action qui permettrait de simplifier les deux régimes d’immobilisations et de saisies judiciaires, « complexe, peu lisibles pour les praticiens, et susceptibles d’engendrer des coûts supplémentaires en gardiennages ».
D’autant que les juridictions doivent déjà assumer des frais pour conserver et stocker les scellés d’enquêtes, engendrant « des coûts significatifs », pointait en août dernier l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.
Les trois entités insistent par ailleurs sur la progression du programme procédure pénale numérique (PPN) qui permettrait la mise en place de l’identifiant de dossier judiciaire (IDJ), et « à travers lui, avoir une meilleure connaissance des dépenses de justice en matière pénale ».
« La capacité à suivre les demandes de prestations associées à chaque affaire est indispensable pour assurer un pilotage plus fin de la prescription, établir des statistiques sur le coût des différents types d’affaires et réaliser des comparaisons entre juridictions. » La généralisation de l’IDJ permettrait ainsi une économie de 80 millions d’euros.
De surcroit, si le programme PPN qui intègre les frais de justice aboutit, il sera alors possible d’établir un « tendanciel crédible du flux net des frais de justice permettant de fixer à chaque cour d’appel responsables de budgets opérationnels, une trajectoire pluriannuelle en euros de retour à l’objectif », et ainsi faire le lien avec la budgétisation initiale.
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Toujours dans un souci de réduire la dette, l’IGF, l’IGA et l’IGJ proposent de mettre les frais de justice à la charge des personnes physique condamnées en modifiant l’article 800-1 du CPP.
Il est notamment recommandé d’augmenter le nombre d’interprètes-traducteurs contractuels déployés en juridiction en dotant le programme 166 de 50 équivalent temps plein supplémentaire. « Les prestations d’interprétariat-traduction pourraient davantage reposer sur des interprètes-traducteur contractuels », pointe le rapport, et permettrait une économie de près de 2,4 millions d’euros.
Cet acte obligatoire en application du CPP a représenté près de 12 % de l’enveloppe 2024, avec plus de 85 millions d’euros de dépense.
Autant de propositions qui ajoutées au reste de la liste, pourraient permettre près de 150 millions d’euros d’économie.
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