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Le tribunal administratif de Versailles subit une hausse particulièrement forte de nouvelles affaires, avec une augmentation de 40 % depuis le début de l’année. Cette hausse est plus limitée pour la cour administrative d’appel (+ 12 %).
La cour administrative d’appel et le tribunal administratif de Versailles ont effectué leur audience solennelle commune, mardi 7 octobre. Une tradition relativement récente, puisqu’elle n’existe que depuis une quinzaine d’année. Contrairement aux juridictions judiciaires, contraintes à une audience solennelle par an au minimum, les juridictions administratives versaillaises n’organisent cet événement qu’une fois tous les 18 mois.
« C’est un moment fort pour nos juridictions », explique Nathalie Massias, présidente de la cour administrative d’appel de Versailles. Un rendez-vous qui permet surtout de dévoiler les chiffres clés de la dernière année des juridictions.
Sur les 12 derniers mois, la cour administrative d’appel de Versailles a recensé 12 % d’affaires enregistrées en plus par rapport à la période précédente. Cela ne l’a pas empêchée de traiter encore plus d’affaires, avec 3 529 affaires jugées (+23 %), la grande majorité concernant le droit des étrangers (64 %). « L’afflux de requêtes a pu globalement être maîtrisé », se félicite la présidente de la CAA. Le délai moyen de jugement reste cependant assez élevé, à un an, un mois et 13 jours, bien qu’en baisse de 60 jours par rapport à 2023.
Des chiffres qui s’expliquent par l’activité soutenue des trois tribunaux administratifs du ressort (Versailles, Cergy-Pontoise et Orléans) et par la remontée progressive du taux d’appel, qui a désormais rejoint la moyenne nationale, assure Nathalie Massias.
Les stocks de dossiers de plus de deux ans, indicateur de vigilance de la cour, ont néanmoins réussi à diminuer. Ces affaires représentent maintenant 5,9 % du stock total d’affaires à juger. Un taux inférieur au taux moyen observé pour l’ensemble des cours.
Des résultats qui sont « le fruit de l’effort considérable consenti ces derniers mois par les équipes de la cour », se réjouit la présidente, faisant remarquer que de tels chiffres ont pu être atteints malgré la fermeture d’une chambre à la rentrée 2024.
Pour l’avenir, Nathalie Massias souhaite maintenir les liens de la juridiction avec les universités du ressort : « Les étudiants spécialisés en droit public sont nos aides à la décision d’aujourd’hui et nos magistrats et greffiers de demain. »
La présidente s’attend, dans les prochains mois, à une augmentation des requêtes auprès de la cour. Ce qui lui semble être une bonne nouvelle : « Certes, ceci constitue une charge, mais à l’heure où les attaques contre la justice, y compris administrative, sont particulièrement virulentes, nous ne pouvons pas sèchement déplorer une progression de la demande de justice. » La cour devra y répondre avec « l’exigence de sobriété budgétaire qui s’impose à tous les services publics ». Pour pouvoir suivre le rythme et maintenir ses délais de jugements, la cour aura recours à des aménagements de procédure pour accélérer certains contentieux, notamment par le traitement de requêtes par ordonnance.
Du côté du tribunal administratif de Versailles, sa présidente Jenny Grand d’Esnon lui a décerné « la palme de la fièvre généralisée en termes de nombre de requêtes depuis début 2025 ». La juridiction fait en effet état d’un nombre de requêtes en hausse importante de 40 % sur les neuf premiers mois de l’année par rapport à la même période l’an dernier. Le nombre de référés a lui doublé, plus d’une affaire sur quatre étant désormais jugée par ce procédé.
Le nombre de jugements n’a lui pu augmenter « que » de 30 % sur cette même période. Conséquence : le stock de dossiers anciens s’est fortement détérioré, accusant une hausse de 38 %.
Jenny Grand d’Esnon assure que le tribunal doit aussi faire face à l’essor de l’intelligence artificielle générative, avec l’arrivée au sein de la juridiction, depuis la fin de l’été, de requêtes made by AI. « Cela donne des requêtes fait maison, très bien rédigées, structurées et documentées, mais sans aucun rapport avec la réalité. En bref, une saisine désincarnée », déplore-t-elle. Si elles ne sont pas encore nombreuses, « elles annoncent un potentiel inexploité de nouvelles saisines qui vont encombrer le tribunal sans donner satisfaction aux requérants, ce qui risque de créer des espoirs déçus ».
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Ce qui pourrait avoir pour conséquence de renforcer l’idée reçue de certains citoyens de l’existence d’un gouvernement des juges : « Il y a une augmentation du non-respect de la chose jugée », déplore la présidente du TA. Un non-respect qui concerne tous les citoyens, jusqu’aux plus haut placés. « Dernièrement, lorsque les juges des référés du tribunal, appliquant la jurisprudence, a suspendu la décision d’un maire, la presse a rapporté les paroles du maire qui déclarait : « J’appliquerai la décision de justice demain. » Mais demain était trop tard pour que l’ordonnance de référé ait un effet utile. » Le 22 septembre dernier, le TA de Versailles avait en effet enjoint à la commune de Corbeil-Essonnes de suspendre l’événement « Mille drapeaux pour la Palestine », qui s’est tout de même tenu.
À l’approche des élections municipales, qui se tiendront en mars 2026, Jenny Grand d’Esnon fait de la protection du personnel du tribunal sa « priorité absolue ».
La présidente du tribunal lui reconnaît trois atouts principaux : son sens du collectif, les outils mis à disposition du juge (médiation, séances orales d’instruction, visioaudiences) et les relais extérieurs. Et Jenny Grand d’Esnon de terminer son discours en citant les objectifs que conserve le tribunal : « Rendre une justice accessible à tous, dans un délai raisonnable, avec sérénité, rendre une justice de qualité, acceptée et comprise. »
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