Notaires : innovations dans la profession - Entretien avec Pierre-Luc Vogel, Président du Conseil Supérieur du Notariat


jeudi 31 mars 20165 min
Écouter l'article

Depuis plusieurs semaines, les notaires se dressent face à la loi Macron. Si celle-ci revoit leurs tarifs à la baisse de manière globale,  la profession s’inquiète particulièrement des conséquences de la mesure sur les offices ruraux.

Plateforme numérique, dématérialisation des actes, signature à distance : l’actualité notariale ne se limite pas à la loi croissance. Pierre-Luc Vogel, président du Conseil Supérieur du Notariat, évoque pour le Journal Spécial des Sociétés ses projets innovants.  

 

Le 16 février, devant les délégués du Conseil Supérieur du Notariat, vous avez présenté Notaviz, un site pour la relation client-notaire. Quelles nouveautés apportera ce site ?


D’abord,  il faut replacer Notaviz dans son contexte. Il y a une dizaine d’années, le notariat a été précurseur en décidant de créer l’acte authentique électronique (le premier date de 2008). Le bilan de ce que j’appellerais le premier virage numérique de la profession est positif. Deux tiers des offices en sont équipés. Nous avons fêté, à la fin de l’année 2015, le 2 millionième acte authentique électronique.


A côté, nous avons la dématérialisation de toutes nos relations avec les différentes administrations. La première d’entre elles, c’est la DGFIP (Direction Générale des Finances Publiques). Toutes les informations contenues dans nos actes de vente immobilière sont transmises de manière dématérialisée. C’est l’opération « téléacte ». C’est aussi le cas en ce qui concerne le droit de préemption de la SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural) et les déclarations d’intention d’aliéner. Nous sommes aussi en train de dématérialiser les demandes d’état civil. Voilà, tout cela représente le premier volet.


Notaviz, c’est le deuxième virage numérique.  Cette plateforme sera tournée vers le grand public et vers le client. Ils pourront trouver un certain nombre d’informations générales, que ce soit dans le domaine juridique : contrat de mariage, renseignement sur les ventes immobilières, etc. Mais aussi des services sur l’évolution des prix de l’immobilier, par exemple un calculateur pour évaluer des frais d’acquisition.


Nous allons aussi mettre en ligne un module qui permettra aux internautes de rédiger un bail d’habitation sous seing privé. Vous allez me dire : « pourquoi les notaires se mettent à faire la promotion du bail sous seing privé ? » En réalité, c’est pour faire la promotion de l’acte authentique. Il s’agit de bien faire la différence entre ce qui peut être gratuit, comme cet acte basique, et un autre qui, lui, va avoir des vertus et une force supplémentaire qu’on appelle la force exécutoire. Celui-là est rédigé par le notaire. Cela a aussi pour but de mettre en perspective les qualités de l’acte authentique.


Notaviz comportera aussi un volet client. Il sera accessible avec un identifiant et un mot de passe et permettra d’accéder en ligne à votre dossier et à votre compte financier. La personne pourra stocker des données, archiver un acte de vente immobilière ou encore un acte de mariage et le retrouver extrêmement facilement. Avec la garantie, très importante, de la non-exploitation des données personnelles. Nous tenons évidemment au secret professionnel et au respect des règles déontologique.


Le but est de faire d’internet la nouvelle porte d’entrée de nos offices.



Est-il possible aujourd’hui de signer un acte notarié à distance ?


C’est une autre opération qu’on espère mettre en place pour fin 2016 début 2017. Pour cela, on va lancer une opération d’équipement des offices et des instances en visioconférence. Le lancement est prévu pour le congrès du mois de mai. L’objectif, c’est de parvenir très rapidement à ce que sur les 4 800 offices soient dotées.


Concrètement, un acheteur breton qui habite à Rennes pourra, accompagné de son notaire breton, acheter à distance un appartement à Paris à un vendeur et à son notaire tous les deux situés à Paris. Dans cette situation, la signature sera possible. À condition qu’il y ait un notaire de chaque côté.


Notre système de visioconférence permettra également des échanges pour des rendez-vous de conseils.


Puisque l’on parle de dématérialisation, je voudrai également parler d’une expérience qu’on va mener dans certains offices : le zéro papier. On a dématérialisé nos actes, mais l’objectif c’est la dématérialisation du dossier lui-même. Certaines études ont d’ailleurs déjà commencé.



On parle beaucoup d’ubérisation en ce moment. Les avocats s’en inquiètent. Les notaires sont-ils complètement protégés par leur statut ?


Oui. A la différence des avocats, nous avons un statut d’officier public ministériel. Mais je pense quand même qu’aucune profession ne peut se sentir totalement protégée. Imaginer qu’on l’est et en profiter pour rester immobile, je pense que ce serait une très mauvaise stratégie.


Pour ma part, j’estime qu’il est indispensable que la profession, qui a déjà une avance technologique, ne se repose pas sur ses lauriers. La semaine dernière, j’ai d’ailleurs visité l’école 42 (une école privée d’informatique basée à Paris et financée notamment par Xavier Niel NDLR). C’était très intéressant de voir la manière dont ils fonctionnent. Nous n’en sommes qu’aux prémices de nos relations, mais nous sommes attentifs à ce qui peut se faire dans le domaine de la digitalisation et de la numérisation. Nous pensons que la profession a une image qui ne correspond pas à la réalité. Deux millions d’actes authentiques électroniques archivés… peu de profession peuvent en dire autant.



La réforme du droit des contrats concerne également les notaires. Est-ce que vous la trouvez suffisante ou fallait-il aller plus loin ?


Nous n’en sommes qu’au stade de l’ordonnance. Elle n’a pas été ratifiée encore. Elle peut évoluer. Nous avons des échanges avec le ministère de la Justice dans ce sens. Évidemment, cela impactera le notariat et la rédaction de nos actes. Même si la plupart de ces changements étaient déjà appliqués par les notaires, puisqu’ils ne sont que consacrés par la loi, ils existaient déjà dans la jurisprudence. Nous mettrons en place des formations quand ils seront définitivement stabilisés.



La loi Macron a chargé l’Autorité de la concurrence de « formuler des recommandations concernant la liberté d’installation des notaires ». Qu’en pensez-vous ?


J’ai eu l’occasion de m’exprimer lors des débats parlementaires. Aujourd’hui, l’autorité de la concurrence a lancé la procédure d’élaboration de la carte qu’elle va proposer au garde des Sceaux. C’est lui qui va l’arrêter. Vous aurez des zones ouvertes avec la liberté d’installation et des zones qui ne le seront pas. Il y a en ce moment une consultation qui a lieu sur le site de l’autorité jusqu’à la fin du mois de mars. Nous allons apporter notre contribution. (...)


Propos recueillis par Victor Bretonnier le 10 amrs 2016


Retrouvez la suite de cet entretien dans le Journal Spécial des Sociétés n °25 du 30 mars 2016


S'abonner au journal

Partager l'article


0 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Abonnez-vous à la Newsletter !

Recevez gratuitement un concentré d’actualité chaque semaine.